L'écriture et la distribution, ce sont les deux aspects essentiels du cinéma d'Emmanuel Mouret, héritier artistique d'Éric Rohmer et de Woody Allen. C'est sur tout cela que se base la réussite ou non d'une de ses œuvres.
Ah oui, petite parenthèse. Tout d'abord (ouais, il faut que ça sorte tout de suite !), bon, déjà, la difficulté à trouver un logement, même dans une ville aussi bouchée à ce niveau-là que Lyon (oui, l'intrigue a pour toile de fond cette métropole, étant donné que la région Auvergne-Rhône-Alpes a fourni une partie des fonds !), ne fait pas partie du tout de l'univers du Monsieur. Vous avez le salaire d'un prof, cela ne vous empêchera pas de mettre la main, sans le moindre mal, sur un superbe logement en centre-ville (remarquez, le record de Changement d'adresse, dans lequel le protagoniste arrivait à dénicher une coloc en plein Paris, en trente secondes, alors qu'il travaille à mi-temps, reste encore invaincu !). Et, sérieux, il devrait arrêter de faire boire ses personnages. Quatre fois sur cinq, les tasses sont vides et ça se voit immédiatement. Et la scène dans le bar au début, Camille Cottin fait semblant de boire le contenu d'une toute petite tasse, fourre toute une dosette de sucre dans le contenant, et continue de faire semblant de boire le reste, pff... Je sais que c'est sans importance pour la plupart d'entre vous, mais, ça me gonfle, ça me gonfle, cette fainéantise qui phagocyte le moindre caractère de vraisemblance à un échange autour d'une consommation. Les comédiens n'ont pas la possibilité d'aller au WC, au besoin, entre deux prises ? Vous vous en foutez ? Moi, je ne m'en fous pas. Je sais qu'il est loin d'être le seul, malheureusement, à foirer ça, mais ça me gonfle.
Passé ce court moment d'énervement, s'étendant sur une dizaine de lignes quand même, j'en reviens à l'écriture et à la distribution.
Je commence par l'écriture. Rien à reprocher de spécial. Mouret aime la beauté de la langue française et ça s'entend à travers l'écriture des dialogues, d'une belle richesse, comme d'habitude avec lui. Comme c'est assez fréquent dans sa filmo, on a un groupe de personnages, bien intégrés dans la société, qui se connaissent et se croisent parfois pour la plupart d'entre eux, dont les destins sont plus ou moins lointainement liés. Et leur point commun à toutes et à tous, qui est aussi la thématique centrale du tout, c'est que chacun des protagonistes est amené à connaître un amour non réciproque. C'est sur cette mécanique que fonctionne le tout.
Par contre, j'ai trouvé que la grande majorité de la distribution plutôt médiocre, débitant la prose mouretienne sans le moindre naturel. Il était risqué de choisir des acteurs et des actrices qui, à l'exception de l'habitué Vincent Macaigne, n'avaient jamais tourné sur sa direction auparavant. Si le trio Vincent Macaigne-India Hair-Damien Bonnard parvient à relever le niveau, ce n'est pas suffisant, hélas, pour m'effacer de l'esprit, l'impression que les autres ont été plus choisis en fonction de leurs disponibilités que parce qu'ils collaient aux rôles. Ce n'est pas une première dans le cinéma de Mouret, donc je ne suis pas étonné. Par exemple, s'il a eu la sélection heureuse pour Mademoiselle de Joncquières ou pour sa précédente œuvre, Chronique d'une liaison passagère (pour cette dernière, le fait que ce soit une partition à trois personnages a dû limiter la possibilité de faire des erreurs !), les trois quarts de la distribution de L'Art d'aimer se révèlent peu convaincants. Quand il se choisissait lui-même comme premier rôle de ses propres films, ça ne marchait pas non plus, car il n'est pas assez bon acteur. Même pour Les Choses qu'on dit, les Choses qu'on fait, si on enlève Vincent Macaigne et surtout Émilie Dequenne, le casting est fade et terne.
Mais assez blablaté, je vais le résumer en un petit paragraphe, admettons que vous faites jouer une pièce très bien écrite, à l'instar du Misanthrope de Molière ou du Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux (qui me vient immédiatement en tête, vu que Mouret a un style qui n'est pas sans rappeler cet écrivain !), mais avec des acteurs qui ne sont pas du tout à l'aise avec les rôles auxquels ils sont assignés, le résultat est inévitablement mauvais. Ben, pour Trois Amies, c'est pareil.