Bleu, la tentation du suicide
Trois Couleurs Bleu, ou comment Julie est fouillée par une caméra qui, comme dans Persona de Bergman, souligne l'invisible et dévoile l'indicible par l'image plus que par la parole. Les gros plans fixes, donnant une impression d'immobilité, révèlent la tension psychologique : la tentation du suicide, le refus de tout contact personnel, la volonté de rompre avec son passé... La réalisation est sobre, froide, à l'image du bleu qu'elle laisse transparaître. Toute une nuance de bleu parcourt le récit. Bleu glacé, métallique de l'enveloppe de sucette ; bleu foncé du lustre en cristal, bleu clair de la surface de la piscine où Julie, en nageant, évacue toute tension intérieure et extérieure. L'eau de la piscine est le lieu de la tentation du suicide surmontée, un lieu de récupération qui rappelle la fin de La Leçon de Piano de Jane Campion. Si le bleu est le motif remarquable du récit, la musique s'impose comme le leitmotiv du film. Kieslowski accorde autant d'importance au son qu'à l'image. La partition musicale - Concerto pour l'Europe - joue un rôle essentiel dans l'image et en enrichit le sens. Elle est à la fois l'évocation, pour Julie, d'un passé douloureux et la possiblité d'une création qui va l'aider à se réadapter au monde et reprendre espoir dans la vie, tel que le suggère la séquence finale. A la fin du film, dans le tourbillon lyrique des fragments musicaux, les visages des personnages auxquels s'est intéressé Julie s'inscrivent sur l'écran. Le dernier plan montre Julie, pour la première fois, le sourire aux lèvres. C'est la renaissance, l'abandon à l'amour, un combat vers la liberté achevé et réussi. A la fin du film, la Liberté est là.