Detachment est un film à la fois beau et sombre, qui livre une vision extrêmement pessimiste du monde, et plus particulièrement, du système scolaire américain. Tony Kaye ne ménage guère ses personnages et ses spectacteurs ; rien ni personne n'est épargné ; tout est violence et toute tentative de se relever semble vouée à l'échec, comme l'illustre le motif récurrent du suicide, réel (celui de la mère du personnage et d'une jeune lycéenne) ou métaphorique (celui des profs.)
Toutefois, le propos pessimiste de Tony Kaye est nuancé par la présence d'Erica, jeune prostituée qu'Henry Barthes parvient à sauver. Dans ce monde à la dérive, la jeune femme est une sorte de lumineux contrepoint à qui le réalisateur fait retrouver le sens de la vie. Avec ce personnage abîmé et souffrant, Adrien Brody nous offre incontestablement son rôle le plus sensible et en même temps le plus douloureux : celui d'un homme "détaché", libre d'esprit, conscient de sa condition sans espoir. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le cinéaste a placé en exergue du film une citation d'Albert Camus - écrivain de l'absurde, réfractaire au suicide - tirée de Noces (1938) : "Jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde." A travers Henry Barthes, Adrien Brody incarne l'homme de l'absurde.
Bouleversant.
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