Au premier abord, on peut juger que "Bleu" est avant tout un film formaliste, voire maniériste : il suffit de voir, par exemple, le choix de Kieslowski de nimber de bleu chaque plan du film, ou l'usage dramaturgique de la musique de Zbigniew Preisner, somptueuse mais sans doute un peu envahissante... Il faudra donc savoir aller au-delà de cette sophistication formelle un peu étouffante pour laisser l'émotion nous envahir. La remarquable mise en scène de Kieslowski, privilégiant de spectaculaires ruptures de rythme, des respirations inattendues dans la narration complexe, des fondus au noir qui mettent en valeur les sentiments, se révèle en fait tout au service de l'interprétation intense d'une Juliette Binoche qui n'a jamais été aussi impressionnante qu'ici. La composition esthétique des plans et du récit passe alors derrière l'intensité de l'émotion qui naît de ce beau récit complexe de deuil et de retour à la vie... [Critique écrite en 2002]