Everybody knows this is nowhere
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le 25 mai 2012
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3 femmes s’inspire d’un rêve fait par Altman, et qu’il a vendu en quelques minutes à Alan Ladd, producteur de la Fox, durant cette période du Nouvel Hollywood où tout semblait possible.
Lancé en production sans réel scénario, écrit entre les prises en fonction des interactions entre les comédiennes, le film est une expérience apparemment inspirée du Persona de Bergman, dont les conditions de création expliquent l’atmosphère brumeuse et expérimentale.
On retrouve ici le cinéma de la première période d’Altman, son goût pour l’incongruité (Brewster McCloud) et les décrochages (That Cold day in the Park), mais porté par un désir plus affirmé de déconcerter. On pourra très facilement se perdre en conjectures sur ce récit nébuleux, où l’onirisme gangrène tout ce qui peut sembler appartenir au réel des protagonistes. La figure de la femme émerge clairement du propos, avec une sorte de variation sur le tableau de Klimt où cohabitent trois figures à des âges successifs. Sissi Spacek, tout juste sortie de l’adolescence sanglante de Carrie, vient vampiriser le personnage lui-même très étrange campé par Shelley Duvall qui, peu avant d’aller s’autodétruire sur Shining, livre une partition cristalline et délicieusement dérangeante. Son interaction impossible avec ses collègues et ses tentatives de créer du lien l’enferment dans une bulle opaque qui favorise forcément l’atmosphère onirique, renforcée par une attention portée à des espaces de plus en plus singuliers.
À l’appartement succède le désert et sa chaleur accablante, tandis qu’une fresque un peu monstrueuse contamine le sol, le bassin et les cauchemars. La musique, très contemporaine, ajoute à cet inconfort, et les visions se clivent, notamment à travers un aquarium (un motif qui sera repris dans Short Cuts, dans l’appartement que doivent garder le couple de voisins), et une attention déséquilibrée apportée aux couleurs, comme cette jupe jaune qui se coince dans la portière de la voiture.
La jeune fille, la femme ou la mère ont donc des places interchangeables, tout comme ces segments de récits où l’on ignore ce qu’il faut conclure. 3 femmes peut irriter dans cette posture, mais embarque aussi dans un voyage sensitif où la saveur singulière de l’étrange l’emporte sur les exigences traditionnelles du spectateur.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Portrait de femme, Les meilleurs films sur la solitude, Les meilleurs films sur l'amitié féminine, Vu en 2020 et Les 1000 plus grands films de tous les temps ("They shoot pictures, don't they ?") [2020]
Créée
le 23 juin 2021
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