Everybody knows this is nowhere
Lent, flou, terne, ennuyeux à mourir, diront certains... Peu visible, peu vu ... Filmée en couleur, une humanité automatique, en suspension sous le...
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Robert Altman a toujours prétendu que ce film lui est venu d'un rêve suite à l'hospitalisation de sa femme en 1976. Il dit avoir rêvé l'histoire, l'atmosphère, le titre et même le casting.
"Trois femmes" porte sur l'Amérique, ses coutumes, sa culture et montre le rêve des années 70 mais qui très vite va s'assombrir.
Tout d'abord Millie (Shelley Duvall) qui essaie de combler le vide qui l'entoure en parlant sans arrêt de choses plus ou moins futiles. Elle commente tout ce qu'elle fait. Elle recherche une certaine perfection dans son intérieur qui passe par la décoration de son appartement, sa façon de s'habiller, de se coiffer ainsi que ses recettes de cuisine. Mais personne ne l'écoute, personne même ne semble la voir. C'est un être invisible, rejeté par tous. Elle semble traverser le monde sans être vue. Il n'y a que Pinky (Sissy Spacek) qui l'admire et va devenir sa colocataire. "Tu es l'être le plus parfait que j'ai rencontré." lui dira t-elle. Sur son lieu de travail, Pinky croise des jumelles qui la fascinent. Elle se demande alors :"Qui est qui ? Comment les différencier ?". Dans son esprit, se met alors en place déjà la question de la personnalité et de l'identité. Elle a besoin d'imiter quelqu'un pour devenir une femme. Elle choisit donc Millie et devient en quelque sorte sa jumelle. Elle va voler son identité en allant symboliquement jusqu'à s'approprier son journal intime.
Millie va lui reprocher son manque d'intégration sociale.
Personne ne veut traîner avec toi.
Tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu ne fais rien de ce qu'on est supposé faire.
On distingue bien une sorte de compétition sociale et un formatage, un modelage des exigences de la société des années 70 à l'encontre des femmes.
Pour accomplir sa "métamorphose", Pinky fera une tentative de suicide en sautant dans une piscine pour essayer de modifier la réalité. De là s'effectuera son changement de personnalité (On notera d'ailleurs les nombreuses scènes de miroir évoquant également le thème de la persona). Un changement va désormais s'opérer en elle, mais la limite sera vite atteinte. Elle ne sera pas heureuse en répondant à la superficialité des codes imposés par la société. Pinky se réfugiera donc auprès de Millie.
Et puis il y a Willie (Janice Rule), la troisième femme, enceinte de son mari Edgar, qui ne parle pas, qui nous apparaît en retrait. Elle peint des fresques : "C'est une sorte de mythologie dont on ne connaîtrait pas les codes".
On ne peut s'identifier à aucune de ces trois femmes qui suscitent un certain malaise.
Les personnages masculins sont à dessein pas du tout attachants. Edgar est aussi l'amant des deux autres femmes. Il sera complètement indifférent et absent lorsque sa femme accouchera.
En fonction des événements, le comportement des héroïnes évolue : Millie va tout faire pour retrouver les parents de Pinky lorsque celle-ci est hospitalisée suite à sa tentative de suicide. Son père(?) bien que présent physiquement semble toujours ailleurs, endormi, indifférent voire étranger à la situation qui semble le dépasser. On ressent un doute quant à l'identité de ses parents (le sont-ils vraiment ?).
Millie va également aider Willie à accoucher. Le bébé, un petit garçon sera mort-né. Les hommes dans leur entourage vont disparaître. Elles vont reconstituer une cellule familiale où ils seront absents. Elles semblent se rejoindre pour ne former plus qu'une seule personne.
Ce film commence par être hypnotisant en nous distillant le quotidien d'aide-soignantes, puis petit à petit il laissera la place à de l'étrange, à du fascinant et à du dérangeant. La récurrence de l'eau dans ce film est omniprésente : la scène d'ouverture où l'on voit des vieillards se mouvoir dans une piscine d'un établissement thermal, certaines fresques sont peintes sur les parois et le fond de piscines, Pinky qui se suicide dans une piscine. L'eau est même utilisée comme effet de réalisation à plusieurs reprises. Il y a énormément de thèmes abordés, de nombreuses références et emprunts à d'autres films.
Je vous engage à voir ce film qui oscille entre rêve et réalité pour vous faire votre propre idée et à votre tour : "basculer" dans cet univers de Robert Altman.
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Créée
le 30 août 2019
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