Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde par Fenetre_sur_salle

Alors qu'il revient pour les vacances dans son village natal, Adi est violemment agressé après avoir été surpris en train d'embrasser un autre jeune homme.


Récompensé par la Queer Palm au dernier Festival de Cannes, le film dépeint une société rurale roumaine tellement engluée dans le passé que seule la présence d'un téléphone portable permet de comprendre que l'histoire est contemporaine.


Avec énormément de rigueur et de soin apporté à la mise en scène, Emanuel Prâvu signe un réquisitoire glaçant contre l’obscurantisme.


En choisissant de placer ses personnages dans des cadres très larges, au milieu d'une nature ensoleillée, à l'apparence idyllique et accueillante, il fait d'autant plus ressentir leur isolement, dans un environnement où tout n'est que secret et silence.


Le film se refuse de tomber dans le mélo et n'use d'aucun artifice pour essayer de susciter davantage d'émotion. Plans fixes, pas de musique, pas de gros plans. Un cinéma à l'os, rugueux et âpre, pour insister sur l'hostilité d'un monde qui n'est pas prêt à accepter la différence. Seuls les ecchymoses d'Adi sont là pour témoigner des souffrances qu'il endure. Des ecchymoses qui lui donnent parfois des airs de mort vivant (et l'on n'est pas prêt d'oublier le regard face caméra qu'il nous adresse à la fin du film).


Alors que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il s'attache davantage à son personnage principal, à ce qu'il ressent suite à cette agression et au traitement qu'on lui inflige, le récit préfère s'attarder sur les réactions en chaîne de toutes les personnes qui l'entourent, sur tous les mécanismes mis en place pour taire et étouffer ce qu'ils ne sont pas prêts à entendre et à accepter. Comme dans sa propre vie, Adi est relégué au second plan du film.


C'est pour cela que Trois Kilomètres jusqu'à la Fin du Monde est avant tout un film sur l'invisibilisation, le déni, la capacité des hommes (mêmes d'Eglise ou de Loi) à s'unir aux dépens des plus faibles pour servir leurs propres intérêts. Un monde dans lequel on ne peut compter sur (presque) personne et un film qui laissera un goût amer, même sur son plan final.


Ma page ciné instagram : fenetre_sur_salle

Fenetre_sur_salle
9

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ciné 2024

Créée

le 28 oct. 2024

Critique lue 21 fois

Critique lue 21 fois

D'autres avis sur Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde

Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde
mymp
4

Petits arrangements avec la morale

On ne verra rien ce qui s’est passé, rien de cette agression dont a été victime Adi. On ne verra que son visage quand il reviendra, tard dans la nuit, à la maison de ses parents. Son visage en sang...

Par

le 23 oct. 2024

7 j'aime

4

Du même critique

Moi capitaine
Fenetre_sur_salle
8

Moi si j'étais un homme...

Un film coup de poing qui tient en haleine de bout en bout en suivant deux jeunes sénégalais qui décident de fuir leur pays pour rejoindre l'Europe.Dans notre imaginaire d'occidentaux, le périple...

le 9 janv. 2024

25 j'aime

How to Have Sex
Fenetre_sur_salle
5

Critique de How to Have Sex par Fenetre_sur_salle

Lauréat du prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, How to have sex est un film très attendu en cette fin d'année, mais le bilan est plutôt mitigé.L'on retiendra principalement...

le 16 nov. 2023

14 j'aime

2

Une famille
Fenetre_sur_salle
9

Critique de Une famille par Fenetre_sur_salle

Quelle claque.Autant prévenir que cette note aura une part subjective encore plus importante que d'habitude tant Christine Angot est un écrivain que je suis et qui me fascine depuis de très...

le 17 mars 2024

13 j'aime

1