Alors qu'il revient pour les vacances dans son village natal, Adi est violemment agressé après avoir été surpris en train d'embrasser un autre jeune homme.
Récompensé par la Queer Palm au dernier Festival de Cannes, le film dépeint une société rurale roumaine tellement engluée dans le passé que seule la présence d'un téléphone portable permet de comprendre que l'histoire est contemporaine.
Avec énormément de rigueur et de soin apporté à la mise en scène, Emanuel Prâvu signe un réquisitoire glaçant contre l’obscurantisme.
En choisissant de placer ses personnages dans des cadres très larges, au milieu d'une nature ensoleillée, à l'apparence idyllique et accueillante, il fait d'autant plus ressentir leur isolement, dans un environnement où tout n'est que secret et silence.
Le film se refuse de tomber dans le mélo et n'use d'aucun artifice pour essayer de susciter davantage d'émotion. Plans fixes, pas de musique, pas de gros plans. Un cinéma à l'os, rugueux et âpre, pour insister sur l'hostilité d'un monde qui n'est pas prêt à accepter la différence. Seuls les ecchymoses d'Adi sont là pour témoigner des souffrances qu'il endure. Des ecchymoses qui lui donnent parfois des airs de mort vivant (et l'on n'est pas prêt d'oublier le regard face caméra qu'il nous adresse à la fin du film).
Alors que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il s'attache davantage à son personnage principal, à ce qu'il ressent suite à cette agression et au traitement qu'on lui inflige, le récit préfère s'attarder sur les réactions en chaîne de toutes les personnes qui l'entourent, sur tous les mécanismes mis en place pour taire et étouffer ce qu'ils ne sont pas prêts à entendre et à accepter. Comme dans sa propre vie, Adi est relégué au second plan du film.
C'est pour cela que Trois Kilomètres jusqu'à la Fin du Monde est avant tout un film sur l'invisibilisation, le déni, la capacité des hommes (mêmes d'Eglise ou de Loi) à s'unir aux dépens des plus faibles pour servir leurs propres intérêts. Un monde dans lequel on ne peut compter sur (presque) personne et un film qui laissera un goût amer, même sur son plan final.
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