Les familiers du cinéma roumain contemporain ne seront pas dépaysés par le troisième long-métrage d'Emanuel Pârvu, Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde. Dans l'histoire de ce jeune garçon agressé pour des raisons que l'on comprend vite mais qui embarrassent d'abord sa famille puis les différents rouages de l'autorité locale (police, chef d'entreprise douteux, Église), la défense de la victime devient moins une nécessité que la volonté d'étouffer l'affaire sans créer de vagues. C'est bien d'un engrenage qu'il s'agit, comme souvent chez Mungiu, et le classicisme de la réalisation allié à l'importance accordée aux dialogues est très habilement maîtrisé par le cinéaste, qui décrit sans fard les valeurs traditionnelles, que l'on pourrait aussi bien qualifier d'archaïques, d'une petite communauté confite dans ses croyances et incapable de tolérance vis-à-vis d'une prétendue "déviance" de l'un de ses jeunes membres. En résultent de petits arrangements et compromissions entre soi, pour ne pas attirer la "honte" sur un monde renfermé sur lui-même. Situé dans les paysages somptueux du delta du Danube, le film aurait pu, petit bémol, utiliser encore davantage les beautés naturelles des sites, qui contrastent avec l'étroitesse de pensée de ses habitants.