Les films de George Miller ont toujours eu cet aspect particulier d'un partage entre une dimension tellurique réflexive et un fantastique assez insaisissable, expliquant notamment ce goût prononcé du vertige, du mystère et de la neutralité pour des décors terrestres apparaissant comme des pages blanches sur lesquelles la quête d'identité des personnages va s'écrire, et où ces derniers souvent solitaires vont apprendre malgré eux à réapprendre la vie au sein d'une communauté ou d'une société (particulièrement frappant dans les films Mad Max ou Happy Feet).


Sous son allure de conte des Milles et Une Nuit remaniée, Trois milles ans à t'attendre apparaît comme un film introduisant et synthétisant à nouveau toutes les obsessions cinématographiques de Miller au sein d'un même récit, mais qui s'articule également autour d'une grande dimension anthropologique. La dimension insaisissable est donc de nouveau présente et bien renforcée car Miller s'attaque au sujet de la perception de l'humain face au fantastique et quels rapports, enjeux et impacts peut-il procurer ? Bien que cet aspect quasi-théorique peut parfois laisser perplexe dans sa composition répétitive, elle est surtout une opportunité de plonger le spectateur dans une personnification mélancolique et touchante de cette perception du fantastique.


Cette mélancolie se fait notamment ressentir à travers un ancrage romanesque dramatique racontant l'histoire de deux personnages laissés sans compagnie ou tenus à l'écart ; Tilda Swinton joue une narratologue s'étant fermée aux autres et Idris Elba joue un Djin condamné à devoir attendre sa liberté face à des personnes adoptant une vision extrêmement méfiante face à ce qu'il est. Mais la relation intime se tissant peu à peu entre ces derniers laissent place à une transition vers un côté touchant avant de prendre totalement le relais. Bien qu'il peut y avoir un certain regret de voir que cette méfiance de base se transforme assez brusquement en une forme d'admiration un peu forcée, cette transition est néanmoins révélatrice d'une nécessité existentielle universelle : nous avons besoin d'histoires, nous avons besoin de fantastique.


L'ambiance froide et impersonnelle d'une chambre d'hôtel se fait submerger par le gigantisme du Djin, les esprits avalent Tilda Swinton ou déforment le cadre. Le fantastique se répand dans la narration tel de l'encre sur une page blanche afin d'écrire ces histoires, de former l'imaginaire. A l'instar de Steven Spielberg avec E.T. l'extra-terrestre, Miller fait passer ce même message enchanteur : laissons-nous rêver, laissons-nous admirer des mythes, des super-héros, car après tout qu'y-a-t-il de plus beau qu'un émerveillement face à quelque chose d'impossible ?

Luca-hiersDuCinema
7

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Créée

le 12 avr. 2023

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