Nouveau siège vide dans la rangée centrale du Grand Théâtre Lumière de Cannes, à l'occasion de la présentation en Compétition du film Trois Visages, de Jafar Panahi. Le réalisateur iranien, qui avait déjà fait beaucoup parlé de lui en 2015 avec Taxi Teheran, Ours d'or à Berlin, est toujours assigné à résidence dans son pays, où il a interdiction de tourner des films.
Jafar Panahi continue néanmoins de créer, un cinéma vibrant, tourné avec les moyens du bord (son véhicule sert une nouvelle fois de studio de tournage pour une bonne partie du film). Un tournage clandestin, en moins d'un mois.
Côté scénario, une célèbre actrice iranienne reçoit la vidéo d'une jeune inconnue, qui l'appelle à l'aide avant de se pendre. Bouleversée, elle quitte au pied levé son tournage pour partir à la recherche de la petite, accompagnée par son ami le réalisateur Jafar Panahi lui-même. La suite est une palpitante enquête dans les montagnes reculées iraniennes, où l'on découvre une société traditionaliste où l'art (assimilée à l'oisiveté) est rejeté, jugé aproductif.
Subtil, le film alterne moments graves et touches d'humour, dénonçant au passage des traditions ancestrales archaïques et certaines aberrations islamiques. Une très belle scène montre par exemple des femmes au crépuscule en train de danser, activité interdite en Iran.
Lauréat du Lion d'or à Venise pour Le Cercle en 2000, et de l'Ours d'or pour Taxi Teheran, c'est tout naturellement qu'une Palme d'or compléterait son palmarès. Jafar Panahi intégrerait alors le cercle très fermé des réalisateurs ayant obtenu les trois distinctions symboliques.
[Edit : le film a reçu le Prix du Scénario ex-equo au festival 2018]