Tron - L'Héritage par Alexandre Godard
N'ayant pas vu le premier, je n'attendais de ce film qu'une belle démo technique, pas forcément recherchée plastiquement, avec des facilités dans l'histoire, des scènes d'actions qui claquent et un rythme trépidant. Je m'attendais à des prestations d'acteurs très lisses, une ambiance simple et une bonne 3D, car le film a été pensé et tourné avec cet objectif en tête.
Et pas vraiment en fait. Je me suis fait avoir, mais alors bien comme il faut.
Ce film est définitivement hors zone, et à part.
Primo, l'ambiance est merveilleuse, explose complètement les standards. Sans parler du film dans sa globalité, l'ambiance de TRON 2 lui permet d'occuper un siège à côté d'Avatar, sans hésitation. Couleurs, univers, background, musique, surtout la musique (j'y reviens plus bas), c'est un trip éveillé, un voyage stone, du jamais vu. Rien qu'à la première séquence avec les lignes qui défilent, la voie de Flynn père et l'apparition du titre, j'avais les poils qui se hérissaient. Les réactions "épidermiques" aussi fortes, j'en ai une tous les 5 ans et la dernière, c'était pour Avatar. Le réalisateur Joseph Kosinski gère à mort pour un premier long métrage ! En fait, il est de la même graine que Neil Blomkamp : jeune, technicien et une fibre artistique qui lui permet de construire des œuvres cohérentes.
Le seul défaut de sa réalisation, c'est le manque de nervosité.
C'est le gros point faible du film : les scènes d'actions sont un peu molles. Le montage est soft, pas très puissant dans ces moments là. Et la caméra a toujours un train de retard, alors qu'une scène d'actions réussi doit plus prendre une petite avance pour pouvoir guider l'œil. On va dire que c'est une erreur de jeunesse, mais il faut aussi comparer à Blomkamp qui lui a fait un sans faute sur District neuf avec moins de fric.
Par contre, c'est un peintre numérique, un architecte ce mec (l'architecture est son corps de métier de base, d'ailleurs). Ses plans sont d'une rigueur exceptionnelle, équilibré, dramatique et d'une beauté plastique à couper le souffle (la séquence où Quorra et Sam Flynn parlent sur fond lumière dans le "train" est complètement "whaou". C'est d'ailleurs ces moments que Joseph Kosinski maîtrise à la perfection au montage : alternance de plan large et plans resserrés, rythme clair et efficace. Et ainsi parfaitement rendre le jeu des acteurs. Le problème, c'est d'utiliser les mêmes paramètres pour l'action.
Les acteurs eux sont nickels : Jeff Bridges assure avec un charisme qui ne se dément toujours pas à son âge, Garrett Hedlund confirme un grand talent en apportant au publique l'identifiant impeccable, Olivia Wilde démontre encore (je regarde House depuis 2 ans, et OUI, c'est une actrice magnifique et d'un très haut niveau) en suggérant l'innocence et la pureté, la presque perfection (fallait le faire, elle l'a fait). Le rôle de CLU serait impeccable si le visage faisait moins faux. Bon, ça se voit au début du film, et sur un plan à la fin, mais plus du tout au cours du film. Les défauts sont présents et visibles, mais sont vite pardonnées pour leurs difficultés. Sauf la relation père fils, mal gérée. C'est un peu trop distant selon moi, je crois que ça aurait pu être mieux approfondi.
Le scénario assure le minimum, ne s'embarrasse pas trop de profondeur, alors que justement, le sujet s'y prêtait. Il survole des thèmes qui auraient du être mieux développé.
Toutes belles que puissent être les images, elles seraient sans âme si Daft Punk n'avait pas été aux platines. Ils réussissent la combinaison improbable "Hans Zimmer - Daft Punk - Solar Fields / Futir Sound Of London" : Zimmer pour le côté puissance orchestrale avec des rémanences de Inception, la dernière grande partition de Zimmer, le son Daft Punk synthétique, la structure techno et le punch de leur style. Solar Field et Future Sound Of London sont des groupes de musique zen électronique. Le premier s'est illustré surtout en composant la bande originale du jeu vidéo Mirror's Edge, le second sur la bande originale du jeu vidéo Wipeout 2097. Ce sont des cadors dans le son électro zen, d'ambiance profonde. Daft Punk ne s'est par forcément inspiré d'eux, mais à l'écoute de leur musique, je retrouve le même genre.
La BO est classique sur le fond, mais elle a su capter au mieux les notes, la tonalité à donner aux séquence qu'elle illustre. La plus parlante à mes yeux est la séquence qui introduit Sam Flynn en moto au début. La musique a une tonalité mélancolique, un brin de désespoir et une monotonie qui nous met dans les baskets de Sam qui ne s'est jamais remis de la disparition de son père allant jusqu'à refuser son héritage tout en protégeant son esprit, et ce comme un hors la loi. Ça s'entend à la musique et c'est parfaitement rendu par les images.
Ce genre d'adéquation est d'une telle rareté que je ne pouvais pas ne pas le souligner.
Je suis assez profondément marqué par ce film, plus que je n'aurais pensé.