Comme si j'allais me faire suer à trouver un titre

Le film de genre français est actuellement dans une impasse, la faute sans doute à des producteurs trop frileux pour financer des projets différents de ce que l'on a l'habitude de voir. Les quelques réalisateurs qui souhaitent quand même se lancer dans l'aventure le font donc sans appui, pour un résultat rarement probant. Malgré cela, plusieurs long-métrages réalisés par des personnes à l'époque inconnues ont su créer la surprise, comme Haute Tension d’Alexandre Aja ou Martyrs de Pascal Augier. Que pouvait-il donc arriver à Claire Denis, réalisatrice confirmée, en réalisant Trouble Every Day, un film gore qu'elle avait en tête depuis des années ?


Rien. Absolument rien. Ce qui d'ailleurs correspond bien à ce film où tout est vain, où tout s'articule autour de faux problèmes créés par des personnages (et des scénaristes) illogiques. Rien que la situation initiale est bancale : une femme cannibale (Béatrice Dalle) est enfermée dans sa chambre par son mari, un médecin qui préfère faire des recherches clandestines dans sa cave pour améliorer l'état de sa femme plutôt que de l'emmener dans un hôpital psychiatrique. Ce prélude ne respire pas vraiment l'intelligence et la réflexion, et l'élément perturbateur vient le clou : une scie est cachée sous le lit, ce qui va permettre à la malade de s'échapper. On croit rêver.


Mais ce que bref résumé ne dit pas, c'est que cette situation (qui démarre pourtant le film) ne sert en fait que d'interlude entre deux séquences beaucoup plus longues qui suivent deux autres personnages, Vincent Gallo et sa femme. On pourrait donc considérer la femme cannibale comme une sous-intrigue, mais la notion reste floue avec Trouble Every Day puisque tous les événements sont mis sur le même plan, effaçant toute notion d'enjeu, et donc d'intérêt. Claire Denis s'attarde tout particulièrement sur le personnage de Gallo dans des scènes interminables et inutiles, puisque son état d'esprit n'est pas du tout nuancé. On sait qu'il a des pulsions au moment où se déroule le film, on sait qu'il en avait avant et si on suit la logique simpliste du scénario on sait sur quoi cela va aboutir (c'est d'ailleurs si prévisible qu'on peut parler de non-conclusion). Et entre le début et la fin, le spectateur est invité à suivre d'un regard torve le quotidien des deux couples, un quotidien ni beau ni vrai, dénué de tout relief cinématographique.


A partir de ça, difficile de créer une ambiance un tant soit peu convaincante. Claire Denis soigne pourtant sa mise en scène, en travaillant ses gros plans, mais cela ne suffit pas pour rendre son film glauque, sensuel et/ou poignant (j'ai du mal à savoir quelle était la visée). Globalement, Trouble Every Day manque de crédibilité, visuelle et cinématographique. Parmi les nombreux exemples, on peut prendre celui des deux adolescents. Ils remarquent la "captivité" de la cannibale et décident, fascinés, de s'introduire dans la maison pour aller à sa rencontre. Cette scène ne fonctionne pas, pour deux raisons. La première, c'est que Béatrice Dalle est, on ne va pas se mentir, une femme très laide. La deuxième, c'est que son personnage ne dégage rien. On ne ressent pas son érotisme, et encore moins le danger qu'elle représente. On ne perçoit que l'actrice, détachée du réel, qui simule des regards vaguement fiévreux et des gloussements stupides. Son jeu, à l'image du film, tourne à vide.


On peut quand même saluer la volonté de Claire Denis d'éviter la surenchère de scènes violentes. La réalisatrice emploie le gore avec parcimonie et ne tombe pas dans la monstration quand il s'agit de filmer la chair et le sang. Cela n'empêche pas le film de faire preuve d'un ridicule retentissant à plusieurs reprises, mais bon, le cœur y était. Dommage que le reste se prenne autant au sérieux et soit persuadé d'être très subversif, parce qu'il n'en est rien, mais alors vraiment rien.

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le 9 sept. 2016

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