Frères d'armes

1870, sur l'ultime frontière de l'Ouest américain, Mattie Ross, 14 ans, réclame justice pour la mort de son père abattu de sang-froid par le lâche Tom Chaney. Pour le retrouver et le faire pendre, Mattie engage Rooster Cogburn, un U.S. Marshal alcoolique. Mais Chaney est déjà recherché par LaBoeuf, un Texas Ranger qui veut le capturer contre une belle récompense. Chacun des trois protagonistes possédant sa propre motivation et n'obéissant qu'à son code d'honneur, le trio improbable chevauchera vers ce qui fait l'étoffe des légendes : la brutalité et la ruse, le courage et les désillusions, la persévérance et l'amour.

Un an après le très mystique A Serious Man les Frères Coen sont de retour sur grand écran pour revisiter le western en tant que genre primal de la mythologie américaine. Respectueux du mythe de l'Ouest, ils délaissent la veine excentrique de leurs œuvres précédentes (Intolérable Cruauté ou Burn After Reading), mais parviennent malgré tout à imposer leur griffe inimitable en alliant l'élégance de la forme à l'originalité du ton dans un scénario simple mais bougrement efficace grâce à ses dialogues bien ciselés, le tout servi par les somptueuses images de Roger Deakins l'immense directeur photo des deux frangins.

En se montrant fidèle à leur tout premier film (Blood Simple ) Joel et Etan marquent de leur patte cette adaptation d'un vieux roman en donnant du corps à tous leurs personnages, aidé en cela par de belles prestations d'acteurs (en tête un Jeff Briges qui se bonifie de plus en plus avec l'âge), au point que l'on regrette d'ailleurs la trop brève apparition de l'excellent, et au combien trop rare, Barry Pepper en chef de meute inquiétant. C'est peut être principal reproche que l'on peut faire à cette histoire de vengeance avec un aspect un peut trop manichéen entre les bons et les méchant, mais une fois encore cet aspect reste fidèle au genre très codifié du western.

Pour une rare fois, le tandem semblent donc ne plus mettre le spectateur à distance de leur propre film tant True Grit ne ressemble à aucunes de leurs autres réalisations que ce soit par sa mise en scène qui est tout sauf ostentatoire, son respect du code narratif que l'on aurait pu penser galvaudé, ou bien encore la puissance immersive de sa dramaturgie et l'identification aux personnages qu'il réussit à opérer. Ici le duo génial donne l'impression d'un parti pris sur un récit simple et accessible, faisant fi des références, des clins d'œil et des artifices qui renvoient à l'objet cinématographique comme pour mieux oublier la mise en scène et se recentrer sur l'histoire et les émotions qu'elles éveillent sur le spectateur.

Au final, nous voici devant un western pur jus mêlé à une aventure initiatique, des situations cocasses, des personnages hauts en couleurs et des répliques savoureuses. En bref tous les ingrédients sont déjà réunis pour faire de True Grit le nouveau fer de lance du genre et permettre aux frères Coen de sauter à pied joins dans la légende du cinéma.