Il n’y a que dans l’imaginaire d’un bisseux qu’un tel scénario pouvait mûrir. Parce que dans la réalité, jamais une femme comme Patricia Arquette n’aurait pu s’intéresser à un geek fan de BD, de films de Kung-fu et d’Evil Presley. Ce fantasme de cinéphile introverti, figurez-vous que je l'ai déjà vécu en sortant faire mon footing dominical. Une histoire d'amour réellement tombée du ciel qui aura duré pendant 5 ans et je l’ai injustement négligé en grande partie à cause de cette passion obsessionnel qui anime également celle du scénariste de True Romance, un certain Quentin Tarantino. De l’eau a coulé sous les ponts et c’était la meilleure décision pour elle comme pour moi. Depuis je préfère me cantonner à perpétuer le cercle morne et monotone de mon existence aussi futile que vaine si ce n’est dans l’exercice de ces critiques que je tend à m’infliger par plaisir, corvée, pénitence, héritage, labeur, j’en passe et des meilleurs. Un exutoire addictif qui me permet de me lever le matin en plus d'un boulot très prenant. Le quotidien peut néanmoins être aliénant, se répéter inlassablement comme un cycle sans fin. Par chance, les troubles borderline sont aussi là pour pimenter les journées et réguler l’humeur à la manière d’un ascenseur émotionnel. Des sentiments que semblent partager Christian Slater dans ce rôle en dehors du fait qu’il vit dans une bulle artificielle et protectrice au milieu de ses rétrospectives ciné, ce que je partage également. Excepté que mon patron est moins sympa avec moi, et que jamais il ne m’a offert d'escorte privé pour me décharger de toute cette tension insoutenable.
Mais le coup de foudre existe bel et bien et chacun d’entre nous y a le droit au moins une fois dans sa vie. J’y ai eu le droit plus qu’à mon tour sans que cela ne soit réciproque même encore aujourd’hui. Parfois c’est néanmoins le cas. Pour Alabama, Clarence n’aurai dût être qu’un simple coup d’un soir, un client parmi tant d’autres mais elle va succomber à son charme si particulier et à cette sincérité désarmante même lorsque celle-ci s’avère influencé par les répliques iconiques des péloches qu’il dévore assidûment. Pour le vendeur de BD ; et de VHS que fût Tarantino à l’époque où il écrivait ce scénario ; il s’agit forcément d’un rêve éveillé qui ne va certainement pas l’aider à redescendre sur terre. C’est aussi ce qui va précipiter cette fuite en avant lorsqu’il va vouloir se la jouer Charles Bronson avec le Mac de sa nouvelle conquête interprété par un Gary Oldman complètement shooté aux anabolisants. Pris entre l’étau d’une enquête policière et d’une mafia lancé à leur trousses, le couple va tenter de refourguer une valise de yeyo à un producteur de cinéma con et arrogant. Une manne financière qui pourrait leur permettre de vivre le rêve américain et de se la couler douce main dans la main à l’ombre d’une plage de sable fin. Mais True Romance n’est pas un Tarantino pour rien, même entre les mains d’un professionnel aguerri comme Tony Scott qui livrera paradoxalement sa meilleure copie avec ce road movie sanglant au feel good plombant, parce que l’amour n’est jamais aussi touchant que dans la pagaille généré par une cavale meurtrière. On retrouve tout ce qui passionne son auteur, les joutes verbales et référence à la pop culture, la violence fétichisée et libératrice, la catharsis vengeresse, les impasses mexicaines et un répertoire d’acteurs à la personnalité haute en couleur ce qui suffit pour distiller au film ce supplément d’âme nécessaire.
Cette propension mélodramatique nous renseigne également sur l’état de santé de son réalisateur qui finira d’ailleurs par se suicider 20 ans plus tard. Si la thèse d’un cancer du cerveau a depuis longtemps été démenti par la famille, il semblerai que lui-même été atteint de cette mélancolie perceptible dans le film, ce que la partition symphonique douce et délicate de Hans Zimmer sera parvenu à souligner. L’amour est un vecteur de contamination mais aussi un pouvoir de guérison à une passion qui peut virer à l’obsession surtout lorsque celle-ci tend à combler un vide affectif. Ainsi Clarence n’est pas tout net dans sa tête, il est illuminé par la « sagesse » d’Evil Pressley, et son comportement soulève parfois des troubles dissociatif de la personnalité lorsqu’il passe d’une gentillesse touchante et sincère à cette volonté autodestructrice pour son couple et pour lui même de mener une vie de gangster forcément influencé par ses soirées rivés devant son écran qui ont finit par le rendre totalement insensible à la violence. C’est un aspect que l’on retrouve d’ailleurs dans d'autres travaux de Tarantino avec Une Nuit en Enfer et Tueurs Nés, deux histoires écrites à la même période où certains de ses personnages confondent les domaines du réel et de la fiction, ce qui les fait se transformer en sociopathe (voir même psycho) de haute compétition.
Même avec ses connaissances absolue du genre dans lequel il met les pieds, Clarence ne peut pas s’empêcher d’imaginer que son plan qu’il croit infaillible lui permettra d’obtenir ce que les Bonnie & Clyde et autres parias de la société ont échoués à conserver en même temps que leur vie. Et si l’amour rend aveugle, lui se met bien le doigt dans l’oeil. Le Happy-end relève d’ailleurs du fantasme ultime, le rêve d’un geek solitaire affublé d'un cache-oeil qui lui donne un flow phénoménal à la Snake Plissken, héritage d'une balle et d'un passé qu'il a laissé derrière lui pour se reconnecter à la réalité et aux valeurs familiales le long d’un bord de mer idyllique, témoin d’un magnifique couchée de soleil, partageant des moments simple de vie, loin du cadre urbain déshumanisé des boutiques de BD et des salles de ciné. Alors oui, on se dit qu’il a bien survécu à ses blessures et vit désormais sa meilleure vie. Mais si on considère être dans l’esprit tourmenté d’un bisseux, cela peut aussi refléter l’image que Clarence voudrait renvoyer sur son entourage et le monde extérieur. Une affabulation qui tendrai à le rassurer dans un déni de soit-même et de sa condition et ce n’est pas l’onirisme de cette séquence qui viendra réfuter mon hypothèse. Mais au moins, cette fin qui fait d'ailleurs penser à celle de Taxi Driver aura le don d’arranger tout le monde (spectateurs, scénariste et réalisateur), comme le refoulement des névroses enfoui en chacun de nous. Il nous reste encore le droit de rêver après tout.
À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.