Sur un sujet aussi délicat que l’euthanasie, c’est par la délicatesse qu’on peut éviter bien des pièges. Quand Julian décide d’arrêter les traitements qui prolongent de peu sa vie face à un cancer incurable, son ami de longue date, Tomas, revient du Canada : pour lui dire adieu ou le faire changer d’avis, rien n’est déterminé. Tout se joue grâce à la posture de ce dernier : après quelques rappels à l’ordre, il accepte de se taire et se contente, « en visiteur », d’accompagner son ami qui commence à prendre ses dispositions : prévoir son enterrement, placer son chien éponyme, et tenter d’annoncer la nouvelle à son entourage.


Alors qu’on servait le débat sur un plateau d’argent, le récit botte en touche : il ne s’agit pas d’opposer des camps, mais de voir des personnages assumer des choix. A une amie qui lui demande s’il a réussi à faire réfléchir Julian, Tomas répond « Je manque d’arguments ». «Je ne savais pas qu’il en fallait pour continuer à vivre », lui répond-elle. Cette remarque cinglante pourrait se suffire à elle-même, mais tout ce qui suit la dément : à de nombreuses reprises, Cesc Gay prend le contrepied de ce qu’on pensait établi pour remettre la balle au centre, comme le fait Farhadi dans bon nombre de ses films. La grande différence réside dans l’empathie qu’il a pour ses personnages. Julian pourrait, en sage proche de la mort, devenir le sentencieux qui débite des leçons de vie : c’est ce qu’il fait au restaurant, lorsqu’il va humilier des connaissances qui font semblant de ne pas l’avoir vu. À cette victoire répond un écho inversé où l’on viendra à lui, par empathie et dans une logique de pardon : il ne s’agit pas ici de lui rendre cette humiliation, mais de lui faire gagner en humilité, voire de lui redonner goût à l’humanité qu’il prévoit de quitter.


Julian aime la surprise, et ménage régulièrement ses entrées ou ses déclarations. Le récit consiste, par le biais du témoin silencieux, à le préparer à en avoir lui-même : face à son fils, face à ce chien par le prisme duquel tout le grand voyage prend son sens. Tomas est le pivot du récit : il paye, il suit, il ne juge pas. La leçon de générosité qu’il offre passe par les regards, un humour discret, et un soutien que lui-même peine à formuler par des déclarations.


Pas de discours, pas d’effusion. Une musique aussi délicate que ces visages qui tentent, dans un sourire digne, de faire avec un inacceptable qu’on a généralement la chance de ne pas avoir à planifier.


Impeccablement joué, distillant une émotion aussi authentique que réfléchie, Truman est avant tout une leçon de tolérance face à la fragilité humaine, faisant de la déclaration de Julian sa devise :



« Chacun meurt comme il peut ».


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le 3 juil. 2016

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