Truman Capote n'est pas vraiment le biopic attendu puisque le film se réfère à un évènement particulier. Il est même étonnant de constater qu'on en sait plus à la fin sur le tueur que sur l'écrivain. Personnellement j'ai vu le film comme un cours d'écriture révélant les clefs pour éviter le manichéisme.

La mise en scène est léchée à souhait. La lumière est toujours très belle, se limitant le plus simplement au clair obscur de circonstance pour une ambiance sombre. En même temps, ce clair obscur fait référence au bien et au mal qui se chevauche sans cesse, qui est si souvent difficile à séparer nettement. J'aime beaucoup le montage lent imposé. Un polar très contemplatif, au final. Avec un héro/enquêteur plutôt atypique pour le genre. La performance de P. S. Hoffman est bien sûr à couper le souffle. Je l'avais vu la première fois en VO au cinéma, ce soir je n'avais sous la main qu'une VF; malgré cela, le jeu transparaît dans toute l'attitude du bohnomme. Il faut dire aussi que le réalisateur laisse une place probante au silence.

C'est dans le scénario que j'ai été déçu. Même s'il est vrai que j'y vois une leçon pour éviter le manichéisme (ce n'est pas péjoratif, le manichéisme est utile et peut amener d'excellents films), puisque c'est à force de creuser l'histoire du tueur/personnage que la conviction qu'il est une simple ordure s'étiole. En fait, il n'y a pas assez de conflits. La première heure est une enquête parsemée d'obstacles, de fausses pistes, etc. Ca passe très bien. Durant la seconde heure, le spectateur n'aura par contre droit qu'aux vertiges de l'écrivain aux prises d'un conflit interne puissant. Puissant, interne mais aussi inaccessible au spectateur. Je m'explique.

Pour que le processus d'identification se mette en marche, un spectateur a besoin de tenir avec un personnage (appelons le héro) qui vit du conflit. Si le héro vit un conflit intense, et qu'il nous est bien évidemment montré, alors le spectateur est pris dans l'engrenage d'identification. le personnage de Capote est en plein dans ce problème. En écrivant ce livre sur ce tueur, en décidant d'enquêter, de tenir avec lui et de vivre les conflits de sa vie à ses côtés, il s'est identifié à lui. Il veut donc le sauver, bien qu'il le sait coupable. Le problème, c'est que pas mal de ces passages (plutôt abstrait au final car Capote n'a fait qu'écouter cet homme) sont ellipsés, et donc, le spectateur sait qu'ils ont eu lieu, mais il ne les a pas vécu à la manière de notre écrivain. Et si le spectateur n'a pas vécu ces conflits, alors il ne peut avoir d'empathie pour ce tueur. Enfin, s'il ne peut avoir d'empathie pour le tueur, il ne peut pleinement pas comprendre (au sens du ressenti et non de l'intelligence) le conflit de l'écrivain.

Il reste une solution pour captiver l'attention, solution à laquelle je n'adhère pas souvent, et qui souvent dévie sur un misérabilisme écoeurant: utiliser la bonté de l'homme. Pour beaucoup, monterr un être gentil et construit avec les même valeurs morales que nous peut suffire à intéresser le public. Par exemple, Jerry Seinfeld (le eprsonnage de la série). il vit peu de conflits. C'est juste un mec trop cool et trop sympa. Et là j'avoue que je suis tombé dans le panneau, j'adore ce personnage. Surtout lorsqu'il génère le conflit chez Georges... bref... Dans Truman Capote, le problème, c'est que même cette solution ne fonctionne pas. Certes le tueur est montré de plus en plus sympa au fil du film. Il est montré humainement. Sauf que le film place tout de même Truman Capote au centre de la narration. Et lui ne nous est jamais vraiment apparu comme sympathique: il trompe son conjoint, il utilise les gens pour arriver à ses fins, on peut même dire qu'il empêche la justice de faire son boulot en risquant d'aquitter les accusés. Certains seront même peut être révulsés par son homosexualité à peine dissimulée. Soit, rien de très aimant.

Bref, tout ça pour dire que Capote, le film, souffre d'un cruel manque de conflits, foutant ainsi en l'air le processus d'identification. Le spectateur s'endore sur la deuxième heure à moins qu'il ne se prenne à contempler les superbes compositions jusqu'à l'exécution finale. Le film n'est donc pas foncièrement mal fichu, il possède au contraire bon nombre de qualités, mais il ne laissera pas un souvenir impérissable.

Fatpooper
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le 27 mai 2012

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