Antisocial
Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale, Tu masques ton visage en lisant ton journal Matthew et Maria, par nature ou par la force des choses, se sentent parfaitement étrangers à la...
Par
le 23 oct. 2014
32 j'aime
10
Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale,
Tu masques ton visage en lisant ton journal
Matthew et Maria, par nature ou par la force des choses, se sentent parfaitement étrangers à la société qui les entoure, et vont s’accrocher l’un à l’autre dès leur première rencontre, pour tenter de sauver ce qui peut l’être de leurs existences bousculées. Le côté presque traditionnel de la trame est explicite: ce sera le ton du film, la voix de son auteur, qui feront que le film est réussi, attachant, ou non.
Situé à l’exacte césure entre la décennie maudite et celle convalescente et désenchantée des années 90, Trust (le «me» est un ajout hexagonal) est le parfait reflet se son époque, trouble et incertaine. Des années Reagan, Hal Hartley garde une certaine esthétique colorée, qu’il atténue pourtant pour donner à son propos une tonalité un peu blafarde et perdue, annonciatrice de la colère et du dégoût de l’époque qui s’ouvre.
Pas étonnant dans ces conditions de trouver dans les thèmes du film un certain nombre de messages sociétaux facilement déchiffrables. A travers ses deux héros, la voie a suivre est claire. Comme Matthew, refuser l’abrutissent des médias et les décisions d’entreprises cyniques destinées qu’à ne faire un peu plus de profit. Comme Maria, tuer le père, rejeter le canevas traditionnel de la future femme au foyer (pas d’enfant, pas de mariage) et s’en sortir par l’éducation.
Matthew Slaughter, tu perds ton sang-froid.
Repense à toutes ces années de service
Très écrit, le film l’est. Presque trop, parfois.
La scène d’ouverture est très révélatrice de ce point de vue. Ce qui pourrait ressembler à du théâtre filmé repose donc énormément sur l’interprétation de ses acteurs principaux. Malgré leur talent (j’y reviendrai un peu plus loin), tout ne fonctionne pas de la même façon, et le gracieux, le drôle, ou le surprenant le disputent au maladroit, à l’inutile ou au longuet. Ainsi, la tentative de viol pour un 6-pack semble bien inapproprié, tombant un peu comme un bigoudi dans la bignouze tiède. Que dire de l’interminable queue de propriétaires de télés cassées sur le trottoir, ou des banlieusards dépeints comme tous barbus et fumeurs de pipe ?
Ces petits moments pas totalement réussis contrastent fortement, du coup, avec ceux qui, au contraire, marquent la mémoire: l’ingéniosité d’une mère amatrice de gin maison, des rapports très biens écrits entre deux soeurs, ou cette scène pendant laquelle Maria réalise ce que voit d’une fille un jeune mâle de son âge.
Maria Coughlin, bientôt les années de sévices,
Enfin, le temps perdu qu'on ne rattrape plus
L’élan du coeur, il vient clairement du côté de Martin Donovan (mais si, vous l’avez forcément vu dans une série !) et Adrienne Shelly (tragiquement décédée il y un peu moins de 10 ans).
Le couple fonctionne, au delà d’une différence d’âge évidente à l’écran (33 ans pour lui, 24 pour elle, alors qu’ils sont sensés en avoir un peu plus de 20 et 17) car l’absence de repères, l’aspect paumé, sont tangibles chez l’un comme chez l’autre. Leurs réactions, leurs décisions ne cessent de nous surprendre malgré une personnalité que nous pensions claire et transparente en début d’histoire. Une des preuves de la qualité d’écriture se situe donc là: Matthew et Maria évoluent, murissent, changent de point de vue en fonction des épreuves qu’ils subissent, au point que jusqu’au bout, le spectateur ne saura jamais avec certitude jusqu’où les névroses et les blessures des deux entités du couple les porteront.
Au moment du bilan, lorsque, pas entièrement transporté, on se demande ce qui s’impose entre qualités manifestes et défauts patents, le film ressemble à la grenade que porte avec lui Matthew tout le long de l’histoire: une arme que l’on croit d’abord désamorcée avant qu’elle n’éclate en nous avec un relatif retard, projetant ses éclats dans notre réflexion avec dispersion mais précision.
Car par la distance qu’il propose, et grâce au décalage qui est celui de ses personnages par rapport au monde qui les entoure, le film est attachant.
Si le message n’est pas totalement original, il a le mérite d’être chaleureusement incarné, et assez brillamment illustré: les gens ne te touchent pas, il faut faire le premier pas.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mon père, ce bourreau, Ma mère, cette folle castratrice, C'est mon dernier mot, Jean-Pierre, Un noctambule que tu accuses d'avoir piqué un somme nie. et Résolution 2014: je me rase le torze, j’apprends le morze, j’évite les entorzes, et je fais un tour en Corze
Créée
le 23 oct. 2014
Critique lue 937 fois
32 j'aime
10 commentaires
D'autres avis sur Trust Me
Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale, Tu masques ton visage en lisant ton journal Matthew et Maria, par nature ou par la force des choses, se sentent parfaitement étrangers à la...
Par
le 23 oct. 2014
32 j'aime
10
Maria, lèvres allégrement rougies, ongles vernis de rose et cheveux blonds bouclés rebelles à son image est ce que l’on appelle communément une chipie. Plus préoccupée par ses fringues que par sa...
Par
le 16 oct. 2013
29 j'aime
7
Dans Trust Me, un grand nombre de personnages tombent au sol. Certains s’évanouissent, d’autres accusent le coup d’une mauvaise nouvelle ; certains tombent d’ivresse, d’autres meurent. Ils ont de...
le 23 oct. 2014
19 j'aime
19
Du même critique
Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...
Par
le 17 janv. 2013
344 j'aime
51
Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...
Par
le 31 déc. 2015
318 j'aime
43
Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...
Par
le 12 nov. 2014
299 j'aime
141