Le film de journalistes, un sous-genre en soi, contient une hiérarchie oscillant entre l’enquête chevronnée dont le sujet prend toute la place (Les hommes du président, Spotlight) et l’apologie un peu molle, à la manière de Jeux de pouvoir.
Le traitement le plus ambitieux, qui fait de la forme de l’enquête un miroir de la forme même du récit, reste finalement rare : c’est le cas de Révélations, qui traite lui aussi de l’émission 60 minutes, ou de Zodiac, scénarisé par James Vanderbilt dont Truth est la première réalisation.
Ce dernier commence particulièrement mal, par l’apogée d’une enquête qui semble être la conclusion de Révélations, affublée de tous les tics les plus irritants venus des US : autosatisfaction au ralenti de tous les protagonistes, gros plans sur les téléspectateurs ébahis et musique sirupeuse à souhait.
Yankees aussi, les comédiens, de Redford en figure de patriarche soulignée par les carences affectives au forceps de sa productrice, une Cate Blanchett qui passe son temps à passer les mains dans sa certes jolie crinière blonde.
L’intérêt se voit tout de même éveillé par la tournure que prennent les événements, lorsque la machine médiatique se grippe par une accusation de faux. L’histoire –vraie – de la chute de Dan Rather et Mary Mapes, aux prises avec un groupe qui préfère rester dans les faveurs de la deuxième investiture Bush est, au-delà même du plaisir cinéphilique, digne d’intérêt. L’entreprise de démolition (là aussi, les parallèles avec le film de Mann sont nombreux) et la puissance de feu d’un système qui exploite tous les maillons peut intéresser un temps. Mais l’excès l’emporte malheureusement dans le pathos comme il le fit avec l’euphorie dans la première partie.
Très lisse, dénué de véritable rythme, le film pèche avant tout par son obsession à toujours limiter les enjeux à la psycologie des personnages, bien trop lisibles et typés. Là où l’on pouvait trouver de quoi démonter les rouages d’un système du pouvoir et d’une chaîne bien plus intéressée par les profits que la vérité (à la manière de Network de Lumet), le film accumule paresseusement des petits egos meurtris et vaguement poseurs, la palme en revenant à un Topher Grace frôlant la caricature.
Après tout, quand on y pense, Vanderbilt a aussi scénarisé White House Down et le nouveau Independance Day : c’est déjà un miracle qu’il ait traité des failles du système américain, et conçu un film qui se termine aussi mal. N’en demandons pas plus.
(5.5/10)