Intense et mémorable morceau de bravoure, Tsar est une épopée, une plongée dans une société en dégénérescence qui cherche des coupables et un sauveur. Dans cette Russie médiévale, la police privée du Tsar Ivan le terrible (qui fait office d'autorité) fait régner la terreur. Tous s'y soumettent et tous sont persécutés. Vient alors un ami d'enfance du Tsar, Ecclésiaste qui accepte la lourde charge de Métropolite, équivalent du Pape dans l'église orthodoxe. Un saint homme amené à côtoyer le pouvoir et son cortège d'atrocités, d'autant plus perverties qu'elles s'expriment au travers d'un homme, le Tsar, assailli par sa culpabilité et se déclamant la main de Dieu châtiant le peuple impie qui n'attend que la fin des temps, imminente. Entre religion constamment pervertie à justifier les pires atrocités et les élans de bonté ponctuelles, Tsar nous donne à voir la naissance d'un monstre et d'un Saint, tous deux hommes et vacillants, mais peu à peu déterminés chacun dans leurs voies, parfaits antagonistes qui trouvent chacun leur échos dans leurs sujets. Le tout dans une austérité toute propre à Pavel Lounguine, génial réalisateur qui nous avait offert le précieux l'Île, dont il livre ici une antithèse admirable, délectable dans son classicisme d'ambiance et sa reconstitution d'époque (sans aucune faute de goût), et dans sa mise en scène dosant particulièrement ses effets, montrant assez de violence pour appuyer son propos sans jamais aller au delà de ce que le bon goût pourrait s'offenser. Et pourtant, le final ne serait pas sans rappeler Salò et son cortège d'atrocités, fin d'ampleur pour Ivan le terrible qui ne nous avait pas préparé à d'autre issue. Dans un monde où la Sainteté confine à l'auto-destruction et la monstruosité à la survie, quel destin choisir ?...