LA SEULE VERITABLE VICTIME COLLATERALE DE TU NE TUERAS POINT C'EST LE FILM DE GUERRE, MORT ET ENTERRÉ PAR GIBSON.
Car ce n'est pas la morale biblique pleine de bons sentiments qui nous fera oublier le calvaire que nous venons de vivre au visionnage de Tu ne tueras point.
Dès les premières images, le ton est donné : flash back sur l'enfance du héros, ralentis en pagailles, père vétéran de la première guerre mondiale alcoolique et violent, regards mielleux avec la future femme de sa vie. Bref on est bon pour un film niais à souhait. Mais c'était sans compter sur la deuxième partie du film. Outre le fait que ''l'hommage'' rendu à la séquence des dortoirs de Full Metal Jacket doit faire passer toute envie à Kubrick de revenir parmi les vivants, la vision de l'armée américaine est un stéréotype à lui tout seul. Des beaux mecs, virils, blancs, surtout blancs ne cessent de blâmer ce courageux Desmond qui a choisi de s'engager dans l'armée pour sauver des vies avec l'ultime promesse faite à Dieu de ne pas porter d'armes. On voit déjà se dessiner le spectre du culte de la religion, appuyé par Mel Gibson tout au long du film à coup de bible, de prières ou encore de séquences d'intense fusion entre Dieu et son petit soldat préféré au beau milieu des combats. Car si la guerre c'est moche et Gibson est là pour nous le rappeler, Dieu est grand, tellement grand que sa présence non dissimulée tout au long du film en devient gênante. Parler de religion c'est tout à fait honorable, encore faut-il savoir traiter la question avec le recul nécessaire. Malheureusement, la prise de recul ne semble pas être le fort de Gibson. Tout est gros, tout est lourd. Les séquences de combats d'une extrême violence où pleuvent bombes, corps en feu et boyaux le tout au ralenti sont interminables, comme pour torturer encore un peu plus les âmes des spectateurs téméraires déjà meurtris par tant de médiocrité. On pourrait penser que cette surenchère de violence servirait la volonté immersive du film mais c'était sans compter sur notre Gibson qui a préféré se torcher avec. Non seulement la séquence des combats brille par sa nullité, mais le traitement de la guerre en est dérangeant. Les scènes clichés n'en finissent plus de pleuvoir ; entre le souffre douleur courageux qui ne cesse de sauver des corps, le film s'attardant longuement sur ceux qui ont autrefois été ses bourreaux. Car Dieu est miséricorde, mais pas d'inquiétude, les affreux japonais qui massacrent les gentils américains en ont eu pour leur grade, notamment cette scène de Hara Kiri, censée symboliser la défaite des ennemis, trop grossière pour être crédible. Patriotique avez vous dit ? Le calvaire s'arrête en même temps que celui de Desmond qui revient parmi les ''vivants'' comme un véritable héros, acclamé par ceux qui autrefois le tabassaient dans les dortoirs. Alors qu'on pensait le film enfin terminé, Gibson a trouvé bon de nous glisser quelques images d'archives sur le véritable héros, histoire de légitimer ce qui ne l'est déjà plus. Décidément, tout ce qu'il ne fallait pas faire dans un film de guerre, il l'a fait.
Article spécial sur Les Cinéphiles du Soir avec une double critique écrite par Thelma Deville et Paul Rotman. La suite ici : http://lescinephilesdusoir.blogspot.fr/2016/11/critique-tu-ne-tueras-point.html