Internet, je suis déçu. En sortant de Tu ne tueras point hier soir, j’ai bien rigolé. J’avais rarement vu un spectacle aussi ridicule au cinéma. Quelle ne fut donc pas ma surprise quand en rentrant chez moi, je me suis rendu compte que presque toutes les critiques que je voyais étaient dithyrambiques. Et les quelques critiques négatives que j’ai vu passer étaient mitigés sans vraiment descendre le film. C’est pourquoi, comme Doss, j’ai l’impression que Dieu m’a donné un devoir que je suis le seul à pouvoir accomplir : je dois rétablir la vérité et vous illuminer de ma sagesse, vous faire comprendre à tous pourquoi Tu ne tueras point est un mauvais film. Ou du moins essayer.
D’abord quelques précisions. Première chose, je n’ai vu aucuns des autres films de Mel Gibson et j’allais voir ce film en étant plutôt confiant sur sa qualité. Deuxième chose, j’ai un grand respect pour Desmond Doss et pour ses actions. N’essayez donc pas de voir dans ma critique une attaque personnelle envers l’un de ces deux hommes, ce que je veux faire ici c’est seulement démontrer pourquoi ce film est une daube.
Par où commencer ? Peut-être par la tonne de clichés, de lieux communs et de stupidités sous lesquels croule le film. Donc attention, ça va spoiler. Le père de famille est un alcoolique qui bat sa femme. Il est très triste parce que tous ses potes sont morts à la guerre donc bon, on est censés pas trop lui en vouloir. En plus il va se racheter plus tard dans le film parce que Mel veut vraiment qu’on se dise qu’à l’intérieur, c’est un type bien. Son jeune fils Doss, qui aime courir dans les champs et escalader des rochers filmé en contre-plongé, donne un jour un coup de brique à son petit frère. BOUM le trauma initial, celui qui va créer toutes ses valeurs pour la durée du film (violence = pas bien). Puis le petit Doss grandit et emmène un pote à l’hôpital. C’est là que le temps se ralentit et qu’il a une révélation en voyant les gens qui s’affairent à sauver des vies : c’est ça qu’il veut faire ! Mel profite du même ralenti pour en rajouter une couche puisque son regard fuyant s’arrête sur le visage d’une belle jeune femme. S’en suivront premier rendez-vous, ballade dans les champs et les rochers (les mêmes que quand il était petit c’est troooooop mignon) et demande en mariage très maladroite alors que t’as l’impression qu’ils sont ensemble depuis un semaine. Bien sûr cela ne semble anormal à personne que Doss, malgré qu’il passe pour l’idiot du village et qu’il n’ait jamais parlé à une autre femme de sa vie que sa mère (c’est pas moi qui le dit c’est le film) puisse sortir avec la fille la plus jolie et intelligente du coin. Non parce que Doss c’est le héros du film donc il a quand même le droit de se taper qui il veut, non mais oh.
Après ce début de film en mode comédie romantique paresseuse, Doss s’engage dans l’armée. On a de nouveau droit à une scène qu’on a vu cent fois : Doss arrive dans le dortoir de sa troupe et on nous présente quinze mecs dont on a rien à foutre en essayant de leur donner quelques particularités pour pas qu’on s’emmêle trop les pinceaux quand même (lui il aime bien être tout nu, lui c’est le con qui s’est mis un couteau dans le pied, etc.). Arrive ensuite le chef, joué par Vince Vaughn. Déjà j’en avais bien marre et tout d’un coup ça devient un remake de Full Metal Jacket. Le chef engueule les soldats, leur donne des petits noms et c’est partis pour l’entrainement. Ça se confirmera par la suite avec la structure en deux partie. Franchement Mel ? Déjà le premier tiers de ton film c’est que des scènes qu’on a déjà vu pleins de fois par-ci par-là et la tu décides de faire du copié-collé d’un vrai bon film de guerre ? À ce moment là j’ai vraiment l’impression que le film fait tout pour m’énerver.
Commence ensuite le vrai combat du personnage, celui de la non-violence. Il ne veut pas porter d’arme. Le chef n’est donc pas très content et appelle donc le chef n°2 qui lui non plus n’est pas très content et charge Doss de faire toutes les corvées. En plus bien sûr, il se met à dos toute la troupe et se fait frapper dans son sommeil. Mais comme c’est un type bien, il dénonce personne. L’empathie envers le personnage est complètement forcée et fonctionne donc en sens inverse : le film veut m’asséner à coups de marteau que ce type est un saint et donc forcement il devient vite soûlant. Bien sûr dans la troupe y’a un petit chef. Celui qui ouvre toujours sa gueule et qui traite Doss de lâche toutes les cinq minutes. Et bah vous savez quoi ? Ce type va devenir le meilleur pote de Doss juste après dans le film ! C’est vraiment inattendu comme retournement ! Bref au fur et à mesure tout le monde vient à se dire que Doss c’est un sacré emmerdeur. C’est à peu près là que le chef n°3 arrive et dit à Doss que si il tient pas une arme il ira pas sur le champ de bataille. Alors déjà expliquez-moi pourquoi il y a besoin de trois chefs différent (en plus du petit chef de la troupe) ? Ces trois personnages ont exactement la même fonction, celle de faire chier Doss puis de se rendre compte plus tard qu’en fait ils avaient tort et que Doss c’est un type bien. Quelqu’un m’explique ? Enfin bon on est plus à une connerie scénaristique près. Doss se retrouve donc avec un procès au cul et chef n°4 lui redis la même chose que les autres (chef n°1, n°2 et n°3 sont aussi dans la scène) c’est à dire que c’est pas bien de désobéir à ses supérieurs et de pas vouloir porter une arme. Ça fait une couche supplémentaire si on avait pas encore compris qu’il était seul contre tous les autres. Doss fait un beau discours pour sauver sa peau mais tout le monde s’en fout. Heureusement au moment même ou le chef n°4 va taper sur le truc avec son petit marteau (je m’y connais pas trop en vocabulaire juridique OK) pour envoyer Doss en prison, son père arrive avec une lettre d’un général quelconque qui l’autorise à aller sur le champ de bataille sans arme. Si c’est pas beau ça ! Donc en fait toutes les belles paroles de Doss pour expliquer son point de vue n’ont servie à rien et il est sauvé par un petit coup de piston. Quel beau message. Mais attendez, c’est pas fini.
On en vient au cœur du film : la guerre. À ce moment là j’ai juste envie de quitter la salle après tant de conneries mais je me dis que ça peut devenir intéressant. Et bien j’avais raison, parce que j’ai bien rigolé. Ici ce qui me gêne le plus c’est vraiment la pauvreté de la mise en scène et le non-réalisme du tout (ça on en a déjà eu une bonne dose dans le reste du film). D’abord c’est moche. Dans le sens mal filmé. Mais bon ça encore c’est pas très grave. Le problème de la mise en scène c’est qu’elle n’est pas du tout réfléchis. Gibson nous montre juste la guerre de manière bien gore avec aucune réflexion sur les placements et mouvements de caméra. On a juste le droit à un tas de corps qui brûlent et explosent au ralenti sur une musique orchestrale aléatoire. De un ça a déjà était fait plein de fois, essayez pas de me faire croire que Gibson à une vision d’auteur qu’on aurait jamais vu avant. De deux ça ne raconte rien, c’est pas parce que qu’on voit des membres détachés dans tous les sens qu’il y a une réflexion sur la violence. De ce que j’ai pu lire tous les films de Gibson sont bien gore, donc à ce moment là c’est juste un gimmick de mise en scène et pas grand chose de plus. En plus le montage est vraiment brouillon et irréfléchi, comme le reste (je passe sur tous les faux raccords regards et placements qui on eu lieu depuis le début du film c’est assez dingue, y’avait vraiment un(e) scripte sur ce film ?).
Pour en revenir à l’histoire, en gros c’est la merde car les américains n’arrivent pas à gagner du terrain. Ils se font une fois de plus renvoyer en bas de leur petite falaise mais Doss, grand homme qu’il est, décide de rester en haut pour secourir les blessés qu’il reste. Il passe toute la nuit à aller en chercher et à leur faire descendre la falaise accrochés à une corde. Bon apparemment ça s’est vraiment passé comme ça donc là pas grand chose à dire à part que la mise en scène est toujours bien nulle et pompeuse. Les japonnais passent aussi bien pour des cons parce qu’à aucun comment ils se disent que se serrait intelligent de couper l’échelle de cordes qu’utilisent les américains. Non ils préfèrent les laisser grimper, puis crever, puis repartir, puis re-grimper, puis re-crever et ainsi de suite, ça doit les amuser. Mais heureusement, maintenant que tout le monde à compris que Doss c’est un type bien parce qu’il a sauvé la moitié de la compagnie, il va pouvoir stopper ce cycle sans fin et faire gagner la guerre aux américains à lui tout seul. Tout le monde regrimpe donc la montagne après l’avoir laissé faire sa prière et Doss donne un coup de pied dans une grenade pour défoncer ces connards de japonnais qui respectent même pas le drapeau blanc tandis que leur chef se fait un Hara-Kiri (histoire que les japonais passent eux aussi par quelques lieux communs qu’on a déjà trop vus). ATTENDEZ MAIS LE MEC VIENT DE DONNER UN COUP DE PIED DANS UNE GRENADE ET VOUS PRENEZ ENCORE CE FILM AU SERIEUX ? Ok. Enfin ça finit sur Doss qui s’élève vers le ciel dans une civière tel le saint qu’il est devenu aux yeux de tout le monde.
Bon pour conclure je vais essayer de repasser un peu aux choses sérieuses. Mon principal problème avec le film c’est que je n’y croit pas une seule seconde. Que ce soit à cause du nombre de clichés énorme qu’il comprend ou à cause de l’absence totale de réalisme. À partir de là comment suis-je censé rentrer en empathie avec qui que soit ou voir un quelconque discours dans le film ? Tout n’est que manipulation et utilisation de ressorts usés pour nous faire passer au final une seule chose : si Doss à réussi son combat c’est parce qu’il est le seul à avoir vraiment écouté Dieu. Parce que je vous ai épargné toutes les références à Dieu présentes dans le film mais si il choisit ce chemin c’est car il suit la volonté de Dieu. Vous pouvez essayer de vous convaincre que le film à des choses à dire sur la violence ou sur la guerre mais c’est faux. La seule chose que Mel Gibson veut vous faire comprendre avec ce film c’est que seuls ceux qui croient réellement et profondément en Dieu peuvent faire changer les choses. En utilisant une histoire tirée de faits réels, Mel Gibson veut nous dire : regardez, c’est arrivé donc c’est la vérité. C’est pour ça également que le film se termine sur des images documentaires du vrai Desmond Doss (encore un cliché de plus tien). Dieu existe et vous devez le croire car cette histoire est vraie. Ce qui m’amène à un problème plus général dans le cinéma : les « films à message ». Si un film ne vaut que pour faire passer un message, il ne vaut rien. Un film doit explorer et créer le doute en nous, pas essayer de nous asséner sa vérité. Et c’est ce qu’essaye de faire Mel Gibson dans Tu ne tueras point. Il utilise tous les plus faibles ressorts du cinéma pour essayer de faire entrer sa vérité en nous. Alors oui Tu ne tueras point est un mauvais film mais c’est aussi un film dangereux, car c’est un film de propagande comme tous ceux dont les gens ressortent en disant « Ça c’est un film avec un beau message ». Kubrick se retournerait dans sa tombe si il voyait ce film de guerre ridicule piller son héritage.

L'article sur mon blog : https://breakingmen.wordpress.com/2016/11/13/tu-ne-tueras-point-la-propagande-de-mel-gibson/

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le 13 nov. 2016

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