Drôle ou plutôt triste histoire que celle de la sortie de ce beau film. Si on en a vraiment terminé avec toutes les mesures sanitaires ayant broyé l’exploitation cinéma et la fréquentation des salles, « Tu te souviendras de moi » restera le film québécois le plus symptomatique de cette période sombre et abusive. Celui dont la sortie a été la plus impactée durant près de trois ans. Tourné durant l’année 2019, il ne nous parvient que maintenant sur les écrans. Trois ans après! Il devait prendre l’affiche en mars 2020 et a été repoussé à une date ultérieure puis replanifié deux fois avant de voir sa sortie annulée encore et encore au gré des humeurs à tendance coercitives de politiques et de scientifiques, dont on voit le résultat aujourd’hui. Il a heureusement échappé à une sortie sur une plateforme de streaming comme beaucoup d’œuvres qui ont été gaspillées de cette manière et trouve enfin le chemin des salles. Enfin et heureusement!
Voilà pour la petite anecdote qui ne joue en rien sur la qualité cinématographique de « Tu te souviendras de moi ». Un film sur le souvenir et l’oubli, un film sur la maladie mais aussi un film qui croque en filigrane notre époque et offre une certaine vision de nos sociétés contemporaines. Rémy Girard incarne un malade d’Alzheimer (maladie qui ne sera jamais citée véritablement ici) avec aplomb et beaucoup de justesse. Il n’en fait jamais trop et n’est pas non plus dans une retenue qui ne collerait pas avec cette pathologie. Une maladie qui peut occasionner parfois quelques rires comme ici au début, mais des rires davantage pour le spectateur tout en respectant les malades et leur entourage. Mais, surtout, un diagnostic qui occasionne beaucoup de tristesse et d’émotion et que l’on retrouve bien sûr également ici. Le long-métrage fait bien la balance entre les deux mais n'oublie jamais d’être lumineux et positif.
On évite aussi beaucoup la redite. Car entre, par exemple, « The Father » ou « Still Alice », les œuvres sur cette maladie sont très nombreuses au cinéma. Et pas mal sont prestigieuses : la preuve, les deux citées précédemment ont remporté des Oscars. « Tu te souviendras de moi » ne cherche pas à briller de manière si flamboyante et affichée comme ceux-ci et la joue sur un mode mineur et pétri d’humilité tout à fait appréciable. Si la sous-intrigue concernant le suicide d’une enfant et le souvenir de celle-ci est le point faible de cette œuvre, le reste est agréable, touchant et à propos. Le montage est rythmé, les personnages attachants et il y a quelques scènes cocasses parfaitement négociées. Et, cerise sur le gâteau, le personnage principal et son ancienne fonction font qu’il nous offre des tirades d’une objectivité et d’une acuité rare sur nos sociétés, le temps qui passe et l’avenir. Un petit plus qui le rend hautement intelligent en plus d’être agréable.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.