D'un pitch ultra classique et sans fioriture, Don Siegel parvient à nourrir un polar nerveux , poussiéreux et passionnant. Sa recette miracle ? Elle est simple, des acteurs talentueux aux tronches burinées et un sens de la mise en scène à toute épreuve. Deux ingrédients dont le cinéaste use et abuse pendant moins de 2H pour livrer une chasse à l'homme teintée de rire, de violence et d'émotion parfois (bon peu, mais quand même !). Mais si Charley Varrick parvient à ce point à emporter son spectateur, c'est parce qu'il transpire de cette ambiance si caractéristique du cinoche de Siegel. Entre deux petits clins d'oeil humoristiques, l'homme sait en effet rappeler qu'il n'est pas là pour jouer et lorsqu'il faut inviter la violence à l'écran, il est plus que présent pour le faire. Ainsi, chaque personnage qu'il met en scène possède une âme sombre, y compris cet anti-héros que l'on pourrait croire porteur d'un quelconque idéal de morale, qui est tout sauf un mec bien, seulement un homme acculé tout juste concerné par son propre sort.
C'est ce côté sans concession qu'on a perdu aujourd'hui au cinoche. Ces deux personnages qui se courent après dans Charley Varrick sont les témoins d'une époque où il était possible d'insérer de l'humour bien noir dans une bobine, sans avoir ensuite à se rattraper en ajoutant à son histoire un personnage donneur de leçon. Charley Varrick est certes sympathique de prime abord, car présenté comme un homme intègre ayant des principes, mais on se rend bien vite compte qu'il cache juste mieux que les autres ses intentions peu louables. Siegel le confond donc au fur et à mesure qu'il avance dans son histoire pour exposer sa vraie nature. C'est naturellement dans cet esprit qu'il conclut la séance.
Notre ami Charley est en fait le plus pourri de tous, mais également le plus malin, et peut vaquer à d'autres occupations alors que tous ceux qui souhaitaient le coincer se sont fait avoir. Une fin idéale, pour finir un film qui ne s’embarrasse d'aucune niaiserie.
Siegel oblige, Charley Varrick est un modèle de mise en scène. Entre la phase d'exposition à base de braquage, le duel final qui propose un looping inversé renversant et la mise en valeur par l'image de tous ses personnages, il confirme après avoir offert, 2 ans plus tôt, le mythique Inspecteur Harry, qu'il sait mener sa barque sans trembler, et signe, une nouvelle fois, ni plus, ni moins, qu'une nouvelle référence d'une époque et d'un genre dont il est une figure incontournable.