Charley Varrick est l'exact opposé de l'Inspecteur Harry. Harry est sanguin, Varrick garde son calme en toutes circonstances. Harry est violent, Varrick n'a recours à la violence que quand il ne peut pas faire autrement. Harry est une tête brulée, Varrick est très prudent. Harry se laisse souvent dépasser par les événements, Varrick a souvent un coup d'avance. Bref, Don Siegel fait l'opposé d'un de ses précédents films. Un opposé fascinant, rendu encore plus fascinant par le charisme et le talent immenses de l'excellent Walter Matthau, totalement à l'aise dans la peau de ce personnage vite sympathique pour le spectateur.
Un personnage sympathique qui évolue dans un portrait peu flatteur de l'Amérique. Don Siegel présente une vision très sombre de son pays. Le seul moyen d'y survivre, c'est d'être pourri, corrompu et cruel dans toutes les circonstances, ou du moins de savoir retourner ces sales armes contre ces sales "gagnants". L'honnêteté ne paye pas, les représentants de la loi sont totalement largués, le rêve américain est mort.
Les frères Coen ont dû voir ce film et s'en inspirer pour No Country for Old Man, un butin piqué à des gens peu recommandables et peu rassurants, un homme de main psychopathe dont la froideur et la cruauté n'a rien à envier à celle du personnage joué par Javier Bardem.
Don Siegel lui non plus ne s'est pas gêné pour s'inspirer, à travers une référence marquée ironique à une fameuse séquence de La Mort aux trousses.
L'ensemble est rondement bien mené, sans le moindre temps mort. Le scénario n'est pas avare en rebondissements souvent dus à l'ingéniosité du protagoniste. Charley Varrick est un véritable modèle d'efficacité, qui mériterait d'être beaucoup plus connu.