Une critique avait parlé de lumières à la Vermeer... il n'en fallait pas plus pour susciter mon intérêt, et j'ai tout lieu de m'en réjouir, parce que ce film passé inaperçu procure de jolis moments visuels, certes, mais n'est pas dépourvu de ressources scénaristiques. Et il est bien interprété, ce qui ne gâche rien, notamment par un Christoph Waltz cabotin et profond par alternance et une Judy Dench conforme à elle-même. L'intrigue se noue à une étrange période de la spéculation financière : la flambée du bulbe de tulipe, au XVIIème siècle en Hollande. Direction les peintures de Vermeer, effectivement, et les éclairages à la Rembrandt... l'équipe des décors s'est vraiment donné du mal pour nous plonger dans cet univers artistique béni, avec un soin qui mérite qu'on le souligne. L'histoire se déroule dans un nombre assez réduit de lieux, mais chacun grouille d'une vie qui rend assez bien l'ébullition d'une époque où le commerce avait détrôné l'imaginaire religieux. Les Indes resplendissaient alors comme un nouvel Eden terrestre à conquérir, qui ferait la fortune des plus intrépides. Et cette logique mercantile incitait chacun à échafauder des stratégies d'enrichissement personnel qui instauraient une tension permanente avec les préceptes austères de la Réforme. On retrouve ces enjeux dans certains dialogues assez finement insérés dans les rebondissements de l'intrigue pour qu'on puisse les saisir sans que cela entrave le déroulement implacable des événements. Car il est aussi question de fatalité, dans cette histoire à coups de théâtre multiples. Et de rédemption. De pardon, aussi. Le tout sur un rythme de roman picaresque ou quasiment. En définitive, plein de qualités, pour un film ambitieux visuellement mais léger et divertissant du point de vue du fond. Pourquoi se priver ? Entre le Lazarillo de Tormes et la Jeune fille à la perle, il n'est plus besoin de choisir !