Au festival d'Annecy sont présentés des films d'animation teen movie japonais, avec des adolescents bêtes à mettre les doigts dans la prise, dans des films qui ont souvent été boudé par le jury. A l'image des sympathiques 7 Days War ou Goobye DonGlee, il est extrêmement rare de voir un film d'animation japonais de ce registre marquer l'équivalent du festival de Cannes pour l'animation. Pourtant, il y a bien eu des films qui ont marqué les cinéphiles comme A Silent Voice, érigé encore aujourd'hui comme un classique du genre, mais en somme, très peu sont ceux repartant avec un prix. Cette année, ce ne sont pas un, ni deux, mais bien trois teen movie japonais en sélection (dont un en sélection contrechamp). L'amateur de guimauve adolescent que je suis n'en était que ravis... Il y a eu le grand retour de Keiichi Hara avec le château solitaire dans le miroir, véritable hype pour tous les amateurs de japanimation, mais mon regard s'était tourné vers le second film de la compétition, The Tunnel to summer, the Exit of Goodbyes, dont les visuels et le synopsis m'interpellait par la noirceur ambiant qu'ils promettaient. La hype est monté d'autant plus lorsque j'ai vu les premières images, lorsque la fil pour les last minute à Annecy a dépasser celle de tous les autres films en compétition ou presque... et a totalement explosé lorsque le film est reparti avec le Prix Paul Grimault (l'équivalent de la mention spéciale du jury, qui a été décerné à moult reprise au fil des années, et qui a été introduit comme un prix définitif cette année sous le nom de Prix Paul Grimault). A ma connaissance, on ne peut compter que sur les doigts d'une main les teen movie japonais 2D ayant reçu un prix à Annecy, et parmi eux, il y a La traversée du temps de Mamoru Hosoda, le film qui a révélé Hosoda à l'international et surement l'un de ses meilleurs films, qui était reparti lui aussi avecla mention spéciale du jury. Le soucis étant que ces dernières années, la mention spéciale du jury a perdu de sa valeur, tant celle-ci a eu tendance à récompenser des intentions et des propos plutôt que des qualités. A l'image de La traversée, de Ma famille afghane, ou encore de Four Souls of Coyote cette année, les films récompensées à Annecy sont souvent des films qui, je trouve, sont récompenser pour leurs démarches à contre courant plus que pour leurs qualités qui, pour certains, sont parfois inexistants. Est ce que c'est le cas pour The tunnel to summer ? A l'image de la traversée du temps, Tunnel to summer est la révélation d'un auteur amené à marquer le cinéma japonais à l'avenir, car le film est l'un des meilleur film d'animation japonais qu'il m'ait été donné de voir jusqu'à présent.
Dès les premières minutes, le film instaure son atmosphère doucement âpre et vénéneux qui nous emporte en quelques seconde et reste coller à nous jusqu'au bout du long métrage. Dieux sait que je hais les long métrage d'animation japonais s'ouvrant sur un "opening", mais je pense que c'est la première fois que je vois un opening aussi pertinent et délicat. A tous ceux qui s'imaginent que la romance entre deux élèves pouvaient être que gaieté et fleurs bleus, ce film démontre par A+B comment une relation, même magnifique, peut avoir un aspect sombre et définitivement perturbant. On est face à des adolescents qui font face à un malêtre qu'on ne peut pas réellement nommer, où la jeunesse pleine d'espoir et d'utopie se confronte à la dure réalité du temps. Déphasé et détruit chacun à leurs manière, on va rencontrer deux adolescents qui vont chercher un moyen de remplir un vide intérieur qui les ronge chaque jours un peu plus. L'une des beautés du film réside dans la manière dont il fait parler l'absence et le hors champ. Là où des films comme le château solitaire dans le miroir vont pour sur-accentué les sous-textes pour paraitre plus profond qu'ils ne le sont (c'est en parti pour ça que je considère les teen movie japonais d'Annecy comme de la guimauve plaisir coupable, ça veut faire les choses bien tellement que cela va expliquer ce qu'il n'y a pas à expliquer), Tunnel to summer n'hésite pas à montrer le moins possible, recentrant son attention autour de ses personnages, et mettant en avant l'absence de ce qu'on s'attendrait à voir traditionnellement dans un teen-movie japonais. Si le personnage d'Anzu est virulente et ne cache pas son déphasement avec son entourage, Kaoru, malgré la nature même de son malêtre qui est particulièrement sombre, est beaucoup plus discret et subtile se fondant littéralement dans la masse, soulignant que leurs malêtre peut être vécu par n'importe quel autre personne dans la classe, mais que personne ne s'exprime. Le tunnel devient alors une métaphore du replis sur soi, sur comment celle-ci peut (littéralement) dévorer des années de nos vies si l'on est amené à trop obsessionner sur nos traumatismes, et des impacts sur le contact qu'on peut avoir avec les autres. Quand je parle de "malêtre", ce n'est pas tant un problème futile de teen-movie, on plonge dans les méandre des pensées sombres de la jeunesse japonaise, et le ton du film est amené à se calquer à cette noirceur pour au mieux coller avec les pensées des personnages. On est amené à être plonger dans un drame psychologique pesant, allant presque dans de l'horreur par instant, parmi les moments les plus sombres et dépressif que l'on peut voir dans les films japonais actuellement, et lentement en être extirper pour pleinement profiter de la beauté de la vie. Avec un pitch pareil, on est amené à craindre la facilité et aller dans du grotesque gore et violent sans intérêt, mais le réalisateur évite cela à travers un sens de la mesure remarquable. Pas besoin de sur-interpréter un personnage agressant un autre en pleine salle de classe, pas besoin de montrer outre mesure la mort d'un personnage, il est question de déstabiliser, pas d'horrifier. Cela n'est pas non plus une justification pour aseptiser son récit et le rendre tout public. Le film cultive l'étrangeté et le physique envoutant de ses personnages pour proposer des moments véritablement hypnotisant dans leurs noirceurs. Pourtant le film n'est jamais lourd ou même indigeste, c'est paradoxalement léger et vraiment très agréable à suivre. Il y a peu de moments léger, mais pourtant on n'est pas tant embêter l'atmosphère vénéneux ambiant. Tout est bien rythmé et sublimé par une animation irréprochable. Pas une scène n'a de défauts réellement perturbants, ou même de points qui peuvent laisser à désirer. On a même des idées malignes et ingénieuses afin de représenter le temps qui passe et la lassitude vécu par les personnages. On a quasiment l'impression d'un huit clos, tant l'ensemble des décors peuvent tenir sur les doigts d'une main, et tant le réalisateur emprisonne ses personnages dans le cadre. Il ne sera pas tant rare de voir des effets de sur-cadrage, montrant soit des personnages emprisonner dans des formes géométriques dessinés par leurs environnements, ou par des ombres qui dessinent des barrière à leurs enrichissements, ou encore à travers le choix des cadres. Un même lieu aura un certain nombre de cadre représentant ce lieu, et ces cadres sont amenés à se répéter avec, soit un point de vue différent, soit une action différente amenant à redécouvrir un même lieu, avec un même cadre de caméra, mais ne montrant pas la même chose. Les personnages sont emprisonnés d'une boucle qu'ils vont devoir apprendre à se défaire en apprenant à communiquer et à accepter le malheur qui hante leurs vies.
Comme dit précédemment, il n'est pas question de représenter une romance comme une comédie adolescente japonaise comme les autres. D'une part parce que ce n'est pas une comédie, loin de là, mais aussi car, malgré que le film va par moment questionner la jeunesse japonaise et sa manière de rejeter ce qui va à l'encontre d'une forme de statu quo du bonheur et de la normalité, il n'en ferra jamais vraiment le centré névralgique de son récit. Au revoir les dilemme lié à scolarité, au revoir les contraintes lié à l'amour et aux sentiments affectifs car ceux ci sont évidents et il n'y a pas besoin de plusieurs mois pour se dire les choses frontalement (qu'elles soient belle ou non), ici on parle de psychologie, de dépression, du malêtre... des questions qui ne pouvaient pas être enfermé dans des codes qui auraient rendu le discours trop conventionnel. Ce que vivent les personnages est commun, mais n'a pas à être réduit à quelque chose d'insignifiant. C'est assez grave, c'est intime et ça invite à l'introspection, et c'est un voyage extraordinaire qui se doit d'être sublimer comme il le mérite. L'un des moments fort qui représente cela reste la confrontation d'Anzu à une rousse assez grande gueule, un peu cliché de la peste qui rejette ce qui ne se conforme pas à ce qu'elle considère comme la normalité, et qui va être rejeté de manière efficace et sans aucune dentelle, au point de n'avoir à peine que deux scènes. Cela vient dans une forme d'épure et d'efficacité à recentrer le récit sur l'essentiel, et n'utiliser les codes du teen-movie que lorsque ceux-ci sont utiles, mais aussi pour donner beaucoup plus d'humanité au personnage qui, enlevé de toute scène superflu pouvant détériorer notre opinion vis-à-vis d'elle, arrive à être plus humaine et crédible en deux scène que certaines en 1h20 de films. Tous les personnages sont magnifiquement bien écrit et retranscrit à l'écran. Cela est en grande parti dû à la précision quasi chirurgicale des dialogues, assez verbeux et travaillé pour amené le récit dans une dimension ésotérique et poétique, mais assez naturels et simple pour ne pas tomber dans quelque chose de trop littéraire et impossible à jouer correctement sans paraitre artificiel. Il y a bien l'ami de Kaoru, un peu simple d'esprit et un peu cliché du sportif ami au héros, qui se retrouve à être totalement oublié et très peu utile au film tant celui-ci se concentre autour de Kaoru et des contacts qu'il peut avoir avec Anzu, mais encore c'est une question de point de vue. D'un côté c'est une bonne chose car cela aurait alourdi le film que de le mettre trop en avant pour ce qu'il aurait apporté, mais de l'autre, à être traité comme la rousse qui n'a que deux scène à peine, il finit par être quasiment inutile au récit alors qu'il aurait pu être un point de vue externe et le symbole du rattachement de Kaoru à la réalité qu'il perd au fur et à mesure où il plonge dans la noirceur de ses obsessions. Mais comment reprocher cela à un film qui, tel quel, est d'une maitrise total. J'ai rarement vu un film aussi abouti et aussi singulier, et j'ai extrêmement hâte de le revoir lorsqu'il sortira en salle en France. D'une beauté vénéneuse et envoutante, cela mettra un certain nombre de personnes sur le carreaux tant le film va à contre courant des teen-movie japonais actuels, mais pour ma part c'est un coup de coeur immense.
17,75/20
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