Il y a dans "Two Lovers" toute l'illustration du talent immense de James Gray, appliqué au scénario moins chatoyant du mélodrame quotidien, mais pas si loin que cela de ses grandes tragédies policières : on retrouve cette forme exquise, entre classicisme indémodable (l'école Coppola) et fulgurances ultra-émotionnelles (l'ouverture, grand moment de cinéma "différent", grand moment de cinéma tout court), et cette direction d'acteurs, d'une simplicité et d'une justesse exceptionnelles. On ne pourra pas s'empêcher de regretter la volontaire neutralité du traitement de ce sujet qui, ailleurs, provoquerait sang et larmes, mais on réalise bien évidemment que c'est ce paradoxe (difficile de choisir entre l'une et l'autre des deux amantes de Joaquin Phoenix, même pour le spectateur) qui génère la richesse et la profondeur du film. A la fin, il est impossible de ne pas pleurer avec Joaquin, physiquement bouleversant, qui, soit dit en passant, ajoute encore un rôle magnifique à sa filmographie. [Critique écrite en 2008]