Je ne sais pas si James Gray choisit lui-même ses affiches de films, mais franchement, celle de Two Lovers - assez dégueulasse il faut bien le dire - me semble totalement HS...
Ben ouais, on s'attendrait presque à une comédie romantique au vu des postures à la wonagain et aux visages "lissement" dépeints du trio, alors qu'il s'agit en fait d'un triangle amoureux (inspiré des Nuits Blanches de Fiodor Dostoïevski) avec au moins deux grands dépressifs dedans ; dont Léonard, trentenaire récidiviste jadis interné et accompagné d'un sac de pressing "I love customers", nous montrant d'emblée qu'il n'est pas au top de sa forme au cours d'une scène de tentative de suicide...infructueuse (ceci n'est pas un court-métrage en même temps ;)). Pô grave, la vie semble vouloir continuer avec toi Léonard, alors il faut rentrer maintenant, chez papa et maman...
Mais pas le temps de se remettre de ses émotions. Le couple de parents juifs assez austère (peut-être un peu caricatural d'ailleurs), dont la mère l'épie jusqu'au travers de la porte de sa chambre, et dont le père s'extasie aux bouffonneries d'un épisode de Benny Hill, reçoit du monde ce soir. Et Léonard se résout à participer à la "fête"...
Il ne le sait pas encore, mais à ce dîner il y a une brune franchement pas mal, quoiqu'un peu quelconque peut-être (Vinessa Shaw), et fille de relations des parents de Léonard qui aurait récemment flashé sur le ténébreux photographe amateur. On apprendra par ailleurs que ce dernier se remet difficilement - genre tentative de suicide :rolleyes : - d'une rupture à cause de la maladie de Tay-Sachs qu'il partageait alors avec son ex (voir fiche wiki pour plus d'info, t'as cru quoi ?^^).
Mais voilà, la mignonne brunette a certes provoqué ce dîner, ce qui aurait pu grave le motiver, mais Léonard n'a pas flashé sur elle, il n'est et ne sera jamais amoureux de mademoiselle...
Surtout que peu de temps après, une jolie blonde (Gwyneth Paltrow), qu'il croise sur le palier, passe s'installer à l'étage supérieur ; et là c'est le coup de foudre ! Une évidence pour lui ; un peu moins pour elle ; la question se posant encore pour nous tous.
Mais sans transition, allons à l'essentiel : ce qui sublime le film, c'est le personnage magistralement interprété par Joaquin Phoenix. Son comportement jusqu'à sa démarche adolescente, son humour relativement noir, mais surtout ses petits mensonges d'apparence, montrant à quel point il n'arrive pas à s'assumer, sont symptomatiques d'un mec très mal dans sa peau. Un mec qui se sent presque à chaque fois obligé de jouer le gars surbooké afin de masquer au monde sa profonde solitude.
Et franchement, de nombreux passages s'avèrent d'un tel réalisme pathétique, qu'on se reconnaît même parfois dans ce genre de petits travers ridicules de notre manière d'être. C'est tellement bien vu qu'on finit par éprouver, assez rapidement, une grande empathie pour Léonard.
Alors conjuguez ces nombreuses trouvailles à la patte aussi sombre que classieuse de James Gray, et vous obtenez une sorte d'alchimie tragico-romantique. Avec en sus une BO tout en subtilité, agrémentée d'une intro d'opéra particulièrement puissante.
Parce que franchement, il faut le voir le Léonard s'accrocher à l'espoir de sa blonde accroc à l'ecsta et totalement dépendante d'un type marié, friqué comme pas deux, et certainement beaucoup plus âgé qu'elle. Il faut le voir le Léonard assurer sur la piste de danse dans l'espoir de séduire sa belle. L'amour donne des ailes, désinhibe, et la confiance en soi revient chez cet ancien fêtard, à n'en pas douter. Un épisode en boîte, et son dénouement prédictif, assez kiffant je dois dire.
Il faut voir également la blondinette, par jalousie et par besoin de plaire à son nouveau confident, partir fissa se remaquiller après avoir appris l'existence de la brune que Léonard baisa un peu plus tôt par lâcheté. Chaque réaction, chaque geste se voit lourd de sens, rien n'est laissé au hasard, comme la justesse avec laquelle Léonard blackboulera l'une des deux miss (et je ne vous dirai pas laquelle) ; et c'est pour ce genre de choses que Two Lovers parvient constamment à captiver et à passionner.
Et ce moment où il pourrait l'embrasser et culpabilise de le faire. C'est pas émouvant ça ? Fini de tourner autour du pot, le grand amour s'avoue pour l'un, sauf que l'autre ne l'a jamais vraiment conçu, cru possible, et ne le concevra jamais. Et au soir du Nouvel An, à l'heure des départs nouveaux (au-revoir à sa mère des plus touchants), d'absolus crève-coeurs se succèderont...
La raison l'emporterait-elle toujours sur la passion ?
Moi en tout cas je ne me résoudrai jamais à ce renoncement fataliste, à tort probablement, et c'est certainement pour ça que ce final me bouleverse à chaque fois :
- Tu pleures Léonard ?
- C'est parce que je suis heureux.
Un dernier mensonge à la vie en guise de bouée de survie. Mais surtout et très certainement le premier d'une longue série...
De la mélodie du bonheur à sa mélancolie, il me semble que Two Lovers ne peut s'apprécier que si l'on (a) fait partie des losers magnifiques de l'amour... Un film plein de sensibilité pour hypersensibles en quelque sorte ; une mélancolie bouleversante parce que tellement juste.
Sniff.