Tyler Reek

Encore un nouveau film Netflix qui sent le gros budget et la fausse hype à plein nez. Soit ! A défaut de rendre mon confinement plus intéressant, ce film va pouvoir m’occuper.
De légers spoilers sont à prévoir.

Tyler Rake comporte beaucoup de problèmes. Primo, c’est un concentré de clichés à la con, à la sauce film d’action des années 80. Deuxio, le scénario est d’un vide abyssal. Il n’y a absolument aucun effort de fait, pas la moindre once d’originalité ou de prise de risque. Bien évidement, on ne s’attend pas à du Tarkovsky quand on regarde un film Netflix de 2h avec un nom aussi banal et dont chaque scène comporte au minimum 50 assassinats. Mais quand même. C’est triste de voir aussi peu de bonne volonté scénaristique. Le reste des problèmes est énuméré ci-après.

Concernant le personnage principal, Tyler, il y a peu à dire. Le jeu de Chris Hemsworth est infâme, ce qui rend le héros peu supportable. Tout est surjoué au possible même lors des scènes les plus banales. Ses expressions faciales se limitent à une sorte de Tom Cruise constipé. Les scènes de souffrance à la mord-moi le noeud sont très difficiles à regarder, c’est d’ailleurs la même chose pour tous les autres personnages qui se retrouvent blessés ou mourants. Il faut croire que se faire tirer presque simultanément dans le bras, le dos et le cou ne fait pas esquisser l’ombre d’un rictus.
Mention spéciale pour une scène dans laquelle le jeu très persuasif de Chris Hemsworth nous aura véritablement transcendé : scène classique du moment fausse modestie du héros, qui, selon lui, est « tout le contraire de courageux », alors qu’il vient de traverser la moitié du Bangladesh, tué au bas mot 150 personnes et refusé de partir par sympathie pour Ovi alors même que la mission ne tient plus et que ses chances de survie avoisinent les 2%. Pas très courageux ça Tyler.

On peut aussi évoquer sa vie qui est d’un cliché : il vit seul, reclus au fin fond de la pampa, et soigne ses maux avec de l’alcool. Bien évidement pas de l’eau, quel intérêt d’en boire ? L’alcool c’est plus classe. Si il boit, c’est aussi parce qu’il n’a plus rien à perdre, comme il le dit à Nik en acceptant la mission aux risques très élevés.

Au même titre que Tyler, les personnages sont tous mauvais. Les tentatives d’humanisation frisent le ridicule tout au long du film. Entre Tyler qui retrouve dans Ovi la figure de son enfant décédé, lui donnant ainsi la force de continuer sa mission contre vents et marées et l’un des méchants (qui s’avère par la suite être un gentil pour une raison qui m’échappe) qui prend le temps de passer un dernier appel larmoyant à sa famille pour leur faire le fameux coup du « si tu n’as pas de nouvelles de moi dans 12h c’est qu’il s’est passé quelque chose », tout est très grossier. De toute façon, le développement des personnages est tellement absent qu’il est pratiquement impossible de s’y attacher ou d’éprouver quoique ce soit pour eux. Ce qui contribue par la même occasion à rendre toutes les scènes de temporisation et de transition nulles à chier. Une sorte d’envie de mourir s’emparait de moi presque à chaque fois que l’un des protagonistes ouvrait la bouche.

Côté déshumanisation, c’est pas gagné non plus. Le grand méchant du film est absolument ridicule. Sortie de copie mal faite de Pablo Escobar (ce qui est voulu, car la remarque est faite au début du film). Peu intelligent selon moi car encore une fois inutile. Son jeu d’acteur laisse vraiment à désirer, mauvais et peu cher tel un véritable Goldfinger du Bangladesh. Avec lui, c’est violence gratuite sur violence gratuite (je vous passe les détails d'une scène au cours de laquelle il se délecte de voir des enfants tomber du haut d’un immeuble) ce qui contribue malheureusement à le décrédibiliser totalement, car tout ce mélange rend le résultat difficile à croire.

Le scénario ne fait aucun effort. Tout est amené très grossièrement. Par exemple, il y a une scène au début du film dans laquelle un gangster de série B pointe son arme sur le front de Tyler et tire alors qu’il n’y a aucune balle, dans le but de lui faire peur. Scène absolument inutile pour plusieurs raisons : premièrement, nous sommes au début du film, ont sait donc très bien que Tyler ne va pas mourir. Deuxièmement, la scène est tellement clichée que on se doute que l’arme n’est pas chargée, on a déjà vu ça des millions de fois dans d’autres films. Donc doublement inutile ! Quel autre intérêt alors ?

Pour continuer dans le style « éléphant dans un magasin de porcelaine » qu’arbore le scénario, vers le milieu du film on se retrouve face à une scène d’une longueur à peine supportable durant laquelle Nik annonce à Tyler qu’il faut qu’il abandonner Ovi car l’opération ne tient plus. On a le droit à des flash-backs flous d’un enfant sur une plage et au jeu pathétique de Chris Hemsworth qui fait mine de réfléchir sur sa vie d’enculé. On comprend tout de suite qu’il a autrefois perdu un gosse et qu’il ne peut se permettre de perdre le petit Ovi qu’il devait exflitrer. Un petit pas pour la barbarie, un grand pas pour l’Amérique.

Éléphant toujours, le groupe ayant engagé Tyler décide vers la fin du film de venir l’aider pour le sortir de sa position délicate et commence donc à tirer tranquillement sur la police bangladaise (certes corrompue, mais police quand même) en tuant tout le monde. Donc la, pour résumer, on a un groupe paramilitaire de mercenaires qui tue l’équivalent de la moitié de la police du Bangladesh en pleine journée juste pour récupérer leur fréro (et non le petit, car la mission ne tient plus). Il n’y a que moi que ça choque ?

Alors même si je sais que ce n’est pas le but, il faut quand même souligner les dialogues de qualité comme par exemple : « C’est impossible Amir » « alors assurez vous que ça soit possible » ; « On ne se noie pas en tombant dans la rivière mais en restant immergé dedans » ; « Si tu n’as pas de nouvelles de moi dans 12h il faut que tu quittes le pays » ; « J'adore les poulets, sauf quand ils chient partout ».

Pour ne pas rester uniquement dans le négatif, on peut évoquer quelques points positifs. A défaut d’être originales, les scènes de baston sont bien réalisées et bien exécutées, il faut le dire. Mais c’est loin d’être au niveau de films tels que The Raid (1 et 2) ou Hardcore Henry. La mise en scène est elle aussi relativement propre. Dans l’ensemble, le long-métrage est bien filmé, les plans sont intéressants (je pense notamment à la première course-poursuite au cours de laquelle la caméra embarquée fait des va-et-viens en dehors et à l’intérieur de la voiture, ce qui est toujours très impressionnant à voir).

Afin de vous donner une véritable vue d’ensemble du spécimen qu’est Tyler Rake, vous trouverez ci-après quelques incohérences relevées au fil de mon visionnage du film. Pas d’inquiétude, il y en a pour tous les goûts (enfin surtout les mauvais) :

• Comment l’équipe de Tyler fait-elle pour avoir au début du film un marquage en temps réel de la position des ennemis aux alentours de Tyler ? Même avec un drone dans les airs c’est impossible, il faudrait avoir posé au préalable un tracker sur lesdites personnes (ce qui n’est précisément pas le cas ici).


• Les rues de Dacca sont constamment bondées à n’en plus finir. La circulation en voiture y est presque impossible. Mais lorsqu’il faut accueillir une course poursuite avec Tyler il y a la place pour un remake de Fast and Furious sans problème.


• Tyler et un mec se battent pendant 20 minutes au milieu de la rue, aucun flic n’arrive alors que l’endroit en est truffé (car c’est précisément dans ce secteur que la course poursuite aboutit précédemment) et comme par hasard quand Tyler prend la fuite 30 voitures de police surgissent de nulle part. Logique quand tu nous tiens.


• Un groupe de tueurs lance une grenade lacrymo (ou fumigène) qui fait tousser Ovi, et comme par hasard les méchants qui n’ont pas de masque traversent le nuage de fumée sans aucun problème et sans éprouver la moindre gêne.


• Tyler et Ovi sont encerclés par un hélico et des dizaines de policiers, cachés dans les égouts, mais par chance, le secteur n’est absolument pas quadrillé ni bloqué par la police alors que tout le pays est à leur recherche, ce qui permet au pote de Tyler de tranquillement arriver et les sortir de la, sans même se faire contrôler.


• Un homme tire sur 3 de ses assaillants au silencieux et ça fait fuir l’intégralité de la foule autour de lui comme si cette action avait fait le bruit d’une bombe.


• De tous les ponts reliant la ville dans laquelle ils se trouvent, le héros choisit de traverser celui en face duquel les méchants sont tous postés avec des snipers et des jumelles. Il est pourtant dit au début du film que la ville est entourée de rivières donc ce n’est précisément pas le seul pont. Le hasard fait bien les choses !


• 5 mecs sur un hélico (dont un armé d’une mitraillette lourde fixe) vident leurs chargeurs sur l’homme en face d’eux qui court sur un pont et aucune balle ne le touche (grand classique vous me direz)


• Une balle suffit pour abattre chaque ennemi. Toutefois, quand c’est au tour de Tyler, ce dernier peut s’en prendre 3/4 (dont une dans le dos et une dans le cou) et continuer à courir comme une gazelle.


• Au cours de la scène finale, un sniper à la précision phénoménale qui arrive à abattre un pilote d’hélicoptère en plein vol est incapable de tuer Tyler alors qu’il peut l’apercevoir à maintes reprises dans son viseur pendant de longues secondes. D’une grossièreté affligeante.

Vous l’aurez compris, ce film est catastrophique. Pour le comparer à une autre création Netflix du même genre, je pense au dernier Michael Bay, « 6 Underground » qui, à défaut d’être un bon film lui aussi, dispose au moins d’acteurs crédibles et de scènes d’action très impressionnantes. Tyler Rake, lui, n’a rien. D'ordinaire, un bon film d'action peut largement se passer d'un scénario intéressant, de dialogues élaborés et d'une trame logique a partir du moment ou le reste est suffisamment bien élaboré pour prendre le dessus. Mais ici ce n'est pas le cas. Je ne sais pas ce que Netflix essaye de faire en finançant des merdes pareilles, mais ce n’est pas de bon augure. Ne perdez pas votre temps, quoique vous fassiez pendant votre confinement sera toujours plus intéressant que les 2 heures que j’ai perdues à regarder Tyler Rake.