Tourbillon sentimental
Totalement confidentiel dans nos contrées, le cinéma taïwanais est mis à l'honneur par Carlotta avec la sortie de Typhoon de Pan Lei, sorti en 1962 et sublimé par une restauration en 2018. Un film...
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le 4 mai 2022
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Totalement confidentiel dans nos contrées, le cinéma taïwanais est mis à l'honneur par Carlotta avec la sortie de Typhoon de Pan Lei, sorti en 1962 et sublimé par une restauration en 2018. Un film original et surprenant de par sa liberté de ton dans un contexte marqué par une censure d'Etat omniprésente.
Présenté à la Cinémathèque française en 2019 lors de la rétrospective « Cinéma de (mauvais) genre Taïwanais », Typhoon avait auparavant longtemps végété dans l'oubli avant que des éditeurs japonais ne s'intéressent à sa restauration, accomplie en 2018. Réalisé en 1962 par Pan Lei, le film avait en effet disparu de la circulation malgré un petit succès qui avait d'ailleurs permis à son auteur de travailler ensuite à Hong-Kong, notamment avec la Shaw Brothers, la plupart du temps en tant que scénariste comme sur La Nouvelle Fureur de vaincre de Lo Wei en 1976, avec un certain Jackie Chan.
Après Sur le mont Hehuan et Une époque dorée, Pan Lei réalise avec Typhoon son troisième long-métrage où il cumule les rôles de monteur, directeur de la photographie et scénariste, le film étant tiré de l'un des nombreux romans qu'il a écrits. Malgré un climat politique étouffant et une censure qui interdisait par exemple les scènes de baisers, son œuvre s'avère très personnelle et assez osée, une certaine tension sexuelle imprégnant les personnages dans une sorte de huis-clos confinant au thriller voire au film noir, mais qui se révèlera surtout être un récit initiatique où chaque personnage sortira grandi de ce véritable tourbillon des sentiments.
Si le typhon est évidemment bien présent dans le final, c'est une autre tempête qui nous frappera en la personne de Mu Hong qui interprète une femme frustrée sans enfant que son mari dédaigne, ne s'intéressant qu'à son travail de météorologue et ses expériences animalières. Virant vers la schizophrénie, plongeant dans l'alcoolisme, ce type de personnage est très rare dans les productions taïwanaises de l'époque. On est effectivement plus proche d'une Elisabeth Taylor dans Une chatte sur un toit brûlant que de la concubine asiatique modèle !
DES SOURIS ET DES HOMMES
Bouclé en une vingtaine de jours, le tournage de Typhoon nous transporte de la capitale Taipei, et ses ruelles filmées de manière virtuose, jusqu'au Mont Alishan, où en période de typhon, les précipitations peuvent atteindre jusqu'à un mètre...par jour ! Les scènes tournées en extérieur autour de ce haut-lieu touristique taïwanais, avec la troisième plus haute ligne de chemin de fer au monde montrée dans le film, sont magnifiques grâce à un noir et blanc laiteux et solaire. Perdus dans la brume, cernés par les arbres et « noyés » par le typhon, les personnages renforcent leur quête métaphysique ainsi que leur égarement tout en se perdant dans ce décor majestueux.
Entre un météorologue obnubilé par ses expériences sur des rats et leur reproduction avec ou sans alcool (!?), sa femme au bord de l'adultère et de la crise de nerfs, un gangster séducteur impénitent et fugitif trouvant en une orpheline, magistralement interprétée par Lo Wan-lin, peut-être son salut, Pan Lei brosse des portraits peu amènes et optimistes de ses protagonistes. Seule la rayonnante Tang Bao-yun, qui joue une « aborigène » loin des clichés folkloriques habituels, semble non atteinte par une mélancolie qui sera seulement brisée par l'apparition d'une bande de jeunes qui fera de la station météorologique une piste de danse ! Et une nouvelle fois, le cinéaste, tout en contournant les interdits, nous délivrera une scène des plus sensuelles entre le fugitif et la femme délaissée...
Bien que certaines séquences soient stéréotypées et que le film n'explose jamais vraiment malgré les promesses entrevues, la réalisation inspirée de Pan Lei et ses acteurs impliqués nous emballeront. En sortant ce film rare issu d'un cinéma qui l'est tout autant, Carlotta nous offre en tout cas une bien jolie découverte, magnifiée par une restauration 2K resplendissante.
( retrouvez l'évaluation de la partie technique de l'édition Blu Ray-dvd de Carlotta par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6878 )
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le 4 mai 2022
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