Tyrannosaur est un scénario avant tout social, faisant se rencontrer deux personnages issus de milieux opposés : Joseph a une vie tourmentée, avec comme maison une planque plus qu'un foyer depuis la mort de sa femme ; Hannah est une bourgeoise protestante vivant dans un quartier calme.
Malgré des personnages clichés à la base, le réalisateur ne semble pas prendre parti pour une classe sociale en particulier, ce qui laisse au spectateur le choix de préférer l'un ou l'autre. Cependant, l'intrigue ne rentre pas suffisamment dans la psychologie d'Hannah pour qu'on ait le temps de s'y attacher comme on s'est déjà attaché à Joseph. Conséquence d'une figure beaucoup moins expressive, plus absente que celle du marginal, marqué par le temps et la vie qu'il mène. Sans doute aussi le peu de gros plans empêche de se sentir proche du personnage de Hannah.
Quant aux antagonistes, on ne peut que les haïr : le mari de Hannah est hypocrite, tyrannique et violent. Il n'apparaît que dans des endroits sombres, que ce soit le soir quand il rentre saoul, ou dans la chambre close et étroite : sa présence met mal à l'aise. On n'aperçoit que par morceaux son visage toujours plongé dans l'obscurité. L'importance ici de la lumière se fait jour : elle aide à discerner le bon du mauvais. Le voisin de Joseph, beau père du petit garçon avec qui il discute parfois, est quant à lui vulgaire, brutal, idiot et caricatural. Difficile de savoir si c'est le bulldog violent qu'il trimballe partout ou lui-même qui est le plus insupportable. L'homme n'apparait que lorsque Joseph se retrouve dans un moment de paix : il arrive toujours au mauvais moment et on lui en veut.
Les images plutôt froides, d'une couleur bleue, créent une atmosphère tendue tout au long du film et font entrer à merveille le spectateur dans les banlieues pauvres de l'Angleterre. De plus, des surcadrages présents dans un certain nombre de plans enferment le personnage et le coupent du monde. Au fur et à mesure les deux héros parviennent tout de même à briser ce mur et à s'extérioriser grâce à l'entraide (que c'est beau !). Paddy Considine brise ainsi l'image du (super)héros solitaire. Il nous montre que le plus important, c'est la communication, l'entraide, et surtout l'acceptation de nos faiblesses. Une morale un peu bisounours en comparaison de la dureté du film.