Marcel Pagnol avait écrit des pièces de théâtres, des films et des mémoires. En 1962, à 67 ans, il publie son premier roman « L'eau des collines ». à cette occasion, il s'entretient avec Gabriel d'Aubarède ; je retranscris ici quelques propos :
- J'avais commencé à écrire cette histoire, il y a déjà une dizaine d'années, pour en faire un film. Puis, je l'avais trouvée lugubre. Alors, le film, je l'ai fait en 1951 avec un bout de la fin de l'histoire. Et c'est devenu « Manon des sources et Ugolin»... Du temps passe (dix ans). Et un beau jour, par hasard, voilà que je retrouve le début tel que j'avais commencé à l'écrire. Je vois alors la chose d'un autre œil et l'idée me vient d'en faire un livre. Je me mets à écrire, à écrire, et encore une fois, ça fait deux parties, deux livres. Les deux volumes de « L'eau des collines : Jean de Florette et Manon. »
- L'aventure du bossu, cette comique et affreuse affaire de source bouchée, qui fait sa ruine, est-ce une histoire vraie ?
- Je comprends qu'elle est vraie ! Je n'y ai pas assisté, j'étais trop jeune quand tout ça s'est passé, mais des paysans m'ont raconté la chose. On peut voir encore là-bas sa ferme qui s'appelle « Lou Gibous » … Quand à l'histoire de Manon, je l'ai inventée. La fille du bossu n'avait pas coupé l'eau du village pour venger son père, non, mais c'est une parole entendue qui me l'a inspirée ; « Si elle avait trouvé la source, la petite, et qu'elle vous l'avait coupée, vous en auriez fait une drôle de tête ! » …
- Il y avait là-dessous un grand sujet.
- Oui, l'eau, je crois, est un grand sujet. Un des plus grands, puisque c'est un des plus simples. Tu te rappelles, un jour, là-bas au quai du Canal, je te disais « Il n'y a pas de poésie en dehors des lieux communs » ? … Moi, je n'ai jamais écrit que sur des lieux communs. De quoi parlent mes pièces ou mes films ? Du pain, de l'eau, de la mère, de l'enfant naturel, de choses toujours simples. Le sujet original me fait peur. Et d'abord, il ne m'intéresse pas.