Ce court-métrage part d'une photo qu'Agnes Varda a prise en 1954 et réinterroge les différents protagonistes qui y sont présents (même la chèvre) sur leurs souvenirs qu'ils en ont. Ce qui frappe c'est qu'aucun d'eux ne s'en souvient clairement. Ils ne se souviennent que de détails ("je me souviens de ce pull, mais pas de cette veste" "je ne me rappelle pas cet enfant assis sur la plage mais il me semble qu'il ne marchait pas et qu'on le portait" etc...). En fait Varda opère par décentrement. Elle décentre l'objet de la photo. Elle commence d'ailleur par interroger l'homme, elle le rencontre, alors que le centre même de la photo et son nom vient du garçon assis.
Et puis elle travaille cette photo, à travers de multiples montages, surimpressions. Ce rapport au montage, au décentrement, c'est notre rapport en général à l'Histoire, à la mémoire. Le montage est à l'intérieur de la photo, à travers son histoire et à travers l'Histoire, plus large.
Varda part de son autoportrait, du particulier, pour aller vers quelquechose de l'ordre de l'universel. Tout se chevauche : le cinéma, la photo, l'Histoire, la mémoire, l'individuel, l'universel. Une image fixe, un temps arrété (la photo) à travers un temps continu (l'Histoire).
Et tout cela, Varda nous l'offre avec un ton humble, léger et un humour unique. Elle donne à ce film ce regard si singulier et subjectif sur la mémoire.