A la base, ce film de Cédric Klapisch est une pièce à succès (1994) créée par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri couronnée de deux Molières (meilleurs spectacle comique et second-rôle féminin pour Catherine Frot). Un triomphe qui se confirme en 1996 avec cette adaptation cinématographique comptabilisant 2,4 millions d'entrées et 3 Césars (meilleurs second-rôles pour Frot toujours et Jean-Pierre Darroussin et scénario pour Jaoui, Bacri et Klapisch). Au passage, le casting de la pièce reprend du service.
Tout débute sur un dîner au restaurant qui aurait dû se passer sans problème si tout ne partait pas en cacahuète. Bacri voit sa femme lui filer entre les doigts et se sent rabaisser par sa mère (Claire Maurier), qui privilégie le fils prodigue joué par Wladimir Yordanoff. Ce dernier devrait être heureux de son passage télévisé, mais culpabilise sur plein de détails futiles (la cravate, un bafouillage...). Sa femme voudrait un voyage, mais son cadeau d'anniversaire en est très éloigné. Quant à Jaoui, elle qui semblait heureuse de dire à son frère qu'elle a envoyé chier son patron (qu'il déteste également) risque fort de passer un sale quart d'heure. Le tout devant un Darroussin amoureux de Jaoui et ne savant pas où se mettre dans un bar témoin des émotions de chacun.
Un air de famille n'est pas une comédie totale et c'est peut-être ce qui fait son incroyable qualité. On rigole beaucoup devant le film et les péripéties de ses protagonistes, mais il y a une amertume qui se ressent tout le long, faites de non-dits et de problèmes familiaux qui explosent. Yordanoff apparaît au premier abord sympathique, là où Bacri multiplie les colères et les frustrations. Mais plus le film avance et plus les rôles s'inversent. Le personnage de Bacri devient bien plus touchant, là où celui de Yordanoff s'avère de plus en plus méprisable. Quant à Jaoui, elle semble être prise entre deux feux, cherchant une reconnaissance qu'elle n'aura visiblement jamais.
Ce qui s'apparentait à une comédie aux punchlines jubilatoires (Bacri est parfait pour ça) devient progressivement un drame familial où tout explose dans un élan de tristesse. On ressort groggy du film après s'être souvent explosé les côtes. Le film a beau se dérouler quasiment dans un même décor (en dehors de quelques scènes, dont une bien cocasse avec l'ami Jean-Pierre), Klapisch ne fait pas du théâtre filmé et réussit à faire revivre la pièce avec rythme et saveur. Le tout avec un casting fantastique.
Enfin comment ne pas évoquer Un air de famille sans citer cette réplique géniale prononcée par Catherine Frot : "C'est pour les enfants que c'est terrible. Heureusement qu'ils n'en ont pas." Il y a une simplicité dans le jeu de Frot à ce moment-là qui tient tout bonnement du génie comique.