Comme le veut sa nature, la créature de Frankenstein n’a besoin que d’une étincelle pour revenir à la vie et le cinéma l’a bien compris. Mais s’il aime jouer avec le sacrilège de son principe, le blasphème de la vie après la mort, il apprécie aussi de se moquer des clichés initiés depuis la prestation de Boris Karloff de 1931, comme la balourdise de son monstre.
Frankenstein General Hospital le faisait renaître pour une comédie hospitalière vraiment poussive. Trois ans plus tard, dans Frankenstein: The College Years (traduit chez nous par Frankenstein le tombeur de la fac ou Un amour de Frankenstein), l’implantation du mythe se fait dans un cadre étudiant, une école de médecine, réveillé par deux amis, Mark et Jay.
Mark reprend les travaux de son mentor décédé, responsable de ce cadavre dans le placard mais qui va devenir ambulant. Frankenstein est un grand bonhomme, un simplet de deux mètres de haut, au petit sourire niais et au regard enfantin. Vincent Hammond se révèle assez convaincant pour animer cette grande carcasse pas très affûtée, mais aux réactions amusantes, et finalement presque attachant.
Pour pouvoir continuer à garder l’oeil sur lui mais aussi comprendre comment le maintenir en vie, Mark et Jay doivent le garder avec eux sur le campus, le faisant passer pour un étudiant étranger, Frank N. Stein. Dans cette ambiance de comédie étudiante des années 1980 (à la Porky, Fast Times at Ridgemont High, Risky Business, etc.) pourtant déjà passée de mode, l’ambiance est légère, décontractée, et en dehors de quelques garnements, Frank va même devenir la coqueluche de la fac, grâce à ses capacités sportives mais aussi de l’attrait qu’il cause à une partie de la population féminine, troublée par son exotisme. Peu importe les différences, le film reprend ce grand slogan de l’intégration entre jeunes, tandis que la grande menace est bien sur un représentant de l’ordre adulte, le proviseur.
Dans cette atmosphère so 80’s, on se chambre, les répliques fusent, avec quelques dialogues bien relevés. Pour les interpréter, il faut reconnaître que la majorité des comédiens possèdent une certaine aisance, à l’image du duo principal, Mark, joué par William Ragsdale, déjà remarqué dans Vampire, vous avez dit vampire ? (1985), représentant de l’adolescent malin et taquin, nerd mais pas une serpillière. Dommage que la suite de sa carrière ait été plus discrète, il est vraiment bon. Son acolyte aussi ne s’est plus guère fait remarquer, poursuivant dans le doublage, alors que Christopher Daniel Barnes qui joue Jay, plus terre-à-terre, se révèle tout à fait convaincant.
Glissons aussi une petite attention pour Patrick Richwood, qui joue Blaine, professeur mou à la solde du proviseur, au visage très expressif, sujet à de nombreuses farces et péripéties. L’échange entre Mark et lui après que ce premier l’ait surpris dans son placard est non seulement drôle grâce à leurs dialogues, mais aussi pour les airs de chien battu de Patrick Richwood.
Pour autant, malgré quelques bons moments, il ne faudrait pas croire que cet amour de Frankenstein soit une pépite oubliée de la comédie américaine. Elle subit ainsi un sérieux coup de mou dans sa moitié, une fois que Frankenstein commence à devenir populaire. Il aurait fallu un peu plus de frictions, ou jouer sur le décalage d’un individu du XIXe siècle découvrant le monde moderne, ce que ne fait pas le film. Qui préfère miser sur l’incongruité manifeste mais sans la développer, au profit d’une histoire bienveillante, mais parfois facile.
Un amour de Frankenstein reste donc une comédie simple et légère, d’un allant très 80’s, ce qui offre un visionnage qui se ne révèle pas trop dépaysant tant qu’on accepte son manque de prétentions. Son statut de téléfilm excuse quelques faiblesses, d’autant que c’est alors le premier film de Tom Shadiyac, réalisateur culte des années suivantes avec Ace Ventura : Détective animalier, le Professeur Foldingue et Bruce Tout Puissant. Un premier essai qui n’est pas à la mesure de ces comédies, mais tout de même convaincant pour les petits curieux de ces comédies de cette décennie.