L'adaptation au cinéma d'A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust est un projet maudit sur lequel beaucoup de cinéastes se sont heurtés. Il y a tout d'abord eu Luchino Visconti qui a tenté pendant plus de dix ans de mettre en chantier le film proustien... Sans succès. Puis, vint Joseph Losey qui, à son tour, ne parvint jamais à réaliser l'adaptation en question.
Il faut dire qu'A la Recherche du temps perdu est une oeuvre pharamineuse, longue de milliers de pages, proposant un récit introspectif qui implique de nombreux personnages et de sentiments. Traduire tout cela dans un film de quelques heures relèvent donc de la gageure. C'est conscient de ce problème que Volker Schlöndorff et le scénariste Jean-Claude Carrière acceptent pourtant de s'occuper du projet Proust dans les années 80...
Isolement
Selon les deux artistes, il n'y a qu'un seul moyen possible pour mener à bien ce film: adapter uniquement un minuscule segment de l'oeuvre proustienne, et ce afin de ne devoir se concentrer que sur un nombre réduit de protagonistes et d'intrigues.
C'est ainsi qu'ils décident de réaliser l'un des chapitres du premier volume de Proust : Un Amour de Swann. Le choix est parfait, ce passage ne comportant « que » quelques centaines de pages, se concentrant uniquement sur le personnage de Swann et son sentiment de jalousie dans sa relation avec la courtisane Odette de Crecy.
De plus, Carrière et Schlöndorff décident d'étaler leur intrigue sur une seule journée, permettant ainsi d'isoler complètement leur film (que ce soit dans le temps, l'espace ou l'oeuvre proustienne en général). Ainsi, on suit Swann s'enfoncer d'heure en heure dans une jalousie possessive le poussant à traverser tout Paris pour surveiller qu'Odette ne le trompe pas.
Au travers de cette construction narrative, Schlöndorff parvient à faire revivre sur grand écran cette passion destructrice qui faisait toute la force de ce chapitre d'A la Recherche du temps perdu.
Grande production
Si l'intrigue se veut intimiste, les moyens budgétaires alloués au film sont eux plus que confortables. Le réalisateur reçoit même l'autorisation de la ville de Paris de filmer dans des endroits célèbres comme la rue Rivoli. Cette débauche de moyens (qui se marque aussi dans les costumes) permet de recréer avec succès le Paris du XIXème siècle mais également, le petit monde proustien.
Le casting, quant à lui, est international (Jeremy Irons en Swann et Ornella Mutti en Odette) mais conserve tout de même une touche française avec la présence d'Alain Delon dans le rôle du baron de Charlus. L'acteur n'était pas prévu au départ mais il insista pour absolument jouer dans le film, lui qui normalement aurait dû, 10 années plus tôt, incarner le premier rôle (celui du Narrateur) dans l'adaptation proustienne avortée de Visconti.
Un hommage caché au maître italien...