Adaptation du roman phare de Christine Angot, "Un amour impossible" est un film fleuve qui retrace l'ensemble d'une vie. C'est étonnamment dense, percutant et fort. Les thématiques centrales vont au delà des histoires d'amour romanesques habituelles ; elles sont sous-jacentes et intrinsèquement liées aux tripes des personnages. Mais surtout, "Un amour impossible" offre sans doute le plus grand rôle à Virginie Efira qui se montre ici bouleversante.
L'histoire démarre à la fin des années 50 à Châteauroux où une jeune dactylographe fait la connaissance d'un jeune homme charmant. Ensemble, ils vont vivre un amour passionnel et fougueux, et ce, jusqu'à ce que la jeune femme tombe enceinte. Cet événement va révéler la nature ambiguë de son amant, refusant de se marier et d'assumer ses responsabilités paternelles.
Dieu sait que je ne supporte pas la personnalité publique qu'est devenue Christine Angot, mais il faut admettre que son histoire, aussi transformée soit elle pour le cinéma, est saisissante par ses portraits de femmes fortes et ses sujets très sensibles. C'est un film fleuve qui retrace quasiment toute une vie, de sa rencontre avec cet homme qui aura une emprise néfaste sur elle à ses vieux jours, confrontée aux questionnements de sa fille unique devenue adulte. C'est un film rare car il interpelle par sa représentation de la relation homme/femme mais aussi mère/fille, en prenant le temps de complexifier les relations sans craindre les longueurs, et ça marche ! La dangerosité toxique de cette histoire n'est pas expliquée ou mise en avant ; j'ai moi-même pris du temps à mettre des mots sur ce qui était racontée. Tout est très subtilement tissé et narré, sans pathos, via des scènes de la vie quotidienne jonchées d'ellipses, sortant d'une autre époque, ce qui semble apporter une distance à l'action alors que ces thèmes sont encore au gout du jour et tendent à l'universalité. Au départ, on peut mettre un certain temps à accepter la voix off monotone mais on se rend compte que la distance d'une narratrice est nécessaire face à la tragédie sous-jacente qui n'est pas mis en scène.
Je pense que "Un amour impossible" ne serait rien sans l'incroyable performance de Virginie Efira qui campe son meilleur rôle, le plus riche et subtil qu'elle a eu à interpréter jusque là. De ses 25 à ses 65 ans, elle est bluffante dans ce rôle de mère célibataire empiergée dans les vices de cet homme à l'apparence parfaite. Elle est juste, naturelle, solaire et torturée et interprète une palette d'émotions foisonnante et prouve une bonne fois pour toute qu'elle est une très grande actrice. Niels Schneider, dans le rôle de l'amant, se colle aussi à un personnage très complexe, un pervers-narcissique qui ne fait que tromper nos attentes de spectateur. Il est dérangeant et à la fois assez hypnotisant.
J'ai personnellement moins accroché avec la dernière partie qui se passe de nos jours où la fille unique demande des réponses à sa mère qui s'est reconstruite. J'ai trop vu Christine Angot et son tempérament infernal et ça m'a totalement sorti de ces deux heures de vie quotidienne frustrées. Au delà de l'incohérence temporelle qui rend ce dénouement impossible, on a des explications face aux silences qui ont précédés et, à mes yeux, ça altère la force brute du propos. Mais c'est aussi une manière de parler à voix haute de ce qui a toujours été refoulé. En cela, "Un amour impossible" est un acte vif qui règle ses comptes, extraordinairement féministe et cruellement touchant.