Timide&pleine de complexes. La Néo-zélandaise qui gravit une colline et descendit une montagne

Un chef d'oeuvre sur la forme: quasi compréhensible sans dialogues (souvent mes films favoris).

Et sur le fond: un biopic bourré d'infos tout en étant d'abord distrayant, captivant puis déchirant. Drôle et surtout vivant, car pas amidonné. Et pomme rouge sur le gros gâteau, il s'enrichit à chaque visionnage. Lors de mon premier, je ne savais même pas que c'était un vrai biopic...J'ai même un court instant pensé que c'était la jeunesse de Jane Campion.

Je ne sais pas écrire de textes fluides comme vous, alors je fais ma liste habituelle de premières remarques, en vrac et gros désordre:

  • film sur une timide pleine de complexe, victime d'un mauvais diagnostic. Je pique mon titre à un titre de série de SC: "Timide et sans complexe." (Mauvais diagnostic qui rend le film encore très actuel car c'est encore arrivé récemment de nos jours à très grande échelle pour par exemple les milliers de premières personnes malades de la maladie de Lyme).
  • film avec des scènes déchirantes d'une enfant qui nous fait aimer nos livres. Elle nous rappelle que nous sommes gâtés d'avoir tant de livres, souvent non lus, sur nos étagères alors qu'elle n'a à dévorer qu'un même et seul livre si longtemps. Elle aime à l'école un livre sur un gitan...elle embrasse une des illustrations. Un vrai hommage aux livres, aux bibliothèques, aux profs(certains)...la petite fille n'a pas de bureau, les soeurs partagent un même lit et en sont contentes. Ce film m'a fait repenser à la "dame du CDI" de mon collège que j'adorais (les trois: la dame, le CDI et le collège): l'entrée dans cette salle moquettée me donnait des frissons de joie...quasi comme un mini matin de Noël à chaque fois. Et je retrouve parfois cette sensation les rares fois où je retourne en médiathèque. Moi, je n'en ai rien fait. Elle, son amour du livre rare, qu'elle chérit comme un trésor, a nourri son talent. J'ai été frappé par cette rareté de la culture dans sa vie, alors que nous en sommes entourés, noyés...le tout petit peu qu'elle a lui provoque une immense joie. Elle m'a rappelé quand Azouz Bégag racontait avoir trouvé en fouillant des collines d'ordures...un dictionnaire (dans son gone du chaaba).
  • elle tiendra aussi un livre des poèmes de Shelley?
  • film très beau: par exemple, la scène et plans où le train passe à l'horizon, en contre jour, en théâtre d'ombres, comme le carrosse dans un film de vampire, on devine les voyageurs.
  • film sur le plaisir et les plaisirs via plusieurs scènes orgasmiques: par exemple, la scène des boites de chocolats; le film rentre donc dans cette liste capitale et clé de SC "sur le chocolat".
  • film où je n'ai pas tout compris de suite: par exemple, je n'ai pas compris les plans sur "les tubes vides de lanoline" auprès du malade à domicile ; internet me dit "favorise la digestion et la flore intestinale".
  • film anti suicide avec une des meilleures scènes de (tentative de) suicide: un des montages les plus moraux...une idée d'une telle délicatesse et respect; j'en suis ému rien qu'en m'en rappelant. Elle ne choisit pas de nous distraire de manière quasi porno en nous montrant la harcelée se pendre avec un drap, la chaise ...le tout se cassant sous son poids. Non! Pas de suspense sordide. Le montage choisit de nous montrer le résultat final par une succession de plans, un puzzle visuel et nous, on fait alors le travail de reconstitution, de mise en scène dans notre cinéma intérieur==> plans sur 'drap+chaise+sol+nez en sang'=nous transforment en petit Columbo du malheur et de la tristesse d'ado.
  • film sur les progrès de la médecine et très actuel: car on voit les parents se battre avec l'épilepsie d'un de leur enfant et pour l'autre, ils s'entendent dire: "votre enfant souffre de schizophrénie"..."comme Van Gogh"..."et Théo Wolf"???...elle fait plusieurs longs séjours en asiles. Et le diagnostic, et les séjours, se révèlent des erreurs, selon un dernier docteur dans le dernier établissement...elle échappe de peu à une lobotomie.
  • Film actuel et relatif aux Française car même si de 1990, se passant avant et en Nouvelle-Zélande, il rappelle que de nos jours "1 à 2 %" de la population en France "souffre de schizophrénie". Presque aussi mal vue et comprise que l'épilepsie il y 100 ans: France Culture laisse passer des propos du genre "on sait jamais avec ces schizo"(sic) dans pourtant Les Pieds sur Terre sur un enlèvement d'enfant...mon Albert Dupontel adore aussi David Fincher et avoue qu'il n'avait "pas vu venir le twist schizo" (sic) dans Fight Club...or rien de tout ça n'est schizophrène...ces malades ne se dédoublent pas, ne sont pas plus violents que la population normale ou amoureuse de SC etc. Donc des parents et 1 à 2% des familles en France, au lieu d'écrire sur SC, se battent avec la schizophrénie dans un contexte de pertes de lits et d'aide pour eux. Donc un film pour eux et qui les 'défend'.
  • film hommage aux parents: me conduisant à deux doigts de larmes aux yeux quand je repense aux premières vacances que ses filles organisent pour leur mère en bord de mer...ça me fait penser à mes grands-parents et un peu mes parents...ces générations debout...rarement sur un sofa pour regarder des séries...j'en ai vues des centaines..."tu es en vacances maman, arrêtes de te faire du soucis"/"you're on holiday Mum...stop worrying"
  • plus riche, elle se met à voyager et à rencontrer d'autres pervers que Néo-zélandais...elle va par exemple à Paris ...mais pour boire du coca-cola! Sacré plan! Bravo l'intello! ;-)
  • un film sur le sens de la vie, le formatage et le travail: elle recroise sa meilleure amie qui était aussi fantasque qu'elle, aussi amusée et amusante, comme elle, mais elle deviendra ...comptable. Qui est fou? Celle qui sera mise en cellule en asile par erreur devenant artiste, ou celle qui, en bureaux cabines et uniforme en entreprise, jouera de l'accordéon avec un plan comptable aux éditions Dunod...toute sa vie-adulte jusqu'à la retraite à 64 ans?
  • un film sur le désir mimétique? et la notion de modèle et d'idole, d'égérie: elle a une autre amie qui est son opposée et qu'elle décide d'imiter; elle, avec ses cheveux en l'air, elle a l'air d'avoir pris de l'éther et du jus, une sorte de Don King roux, mais son amie, son opposée, est une fille éthérée aux airs paisibles qui chante la tête penchée, sans doute alourdie par ses mini chignons à la princesse Leia. Le soir, dans une scène de miroir hilarante, elle prend les pauses de ce nouveau modèle. Elle lève les yeux en l'air, la tête sur le côté, façon Lady Diana interviewée...façon Sainte Vierge sur certains tableaux? D'ailleurs je crois que cette nouvelle influenceuse dont elle s'éprend et désire copier, chante sur des "Saints...des heures de tristesse"...
  • ....je n'ai d'ailleurs pas encore compris le cancan qu'elle entend à la fin de la scène de chant à côté du piano à l'école avec cette douce fille délicate qu'elle admire: pendant que cette belle sainte nitouche chante, une blonde aux yeux rieurs et visiblement jouissant de son info, raconte qu'elle doit partir car son "papa est mort". (Pourquoi doit elle quitter l'école?...car orpheline? ...il pourra plus payer?) Pourquoi la sainte nitouche qui chante sur (je crois) des Saints doit partir car orpheline?
  • un film, hommage aux instituteurs: elle commence par une institutrice qui semble austère mais fait son boulot, quoique cancanière condescendante et n'aimant pas les pauvres...et instit' qu'on voit la recroiser des années après, lorsque sur une tombe, où elle donne très justement de l'aspirine aux fleurs...puis cette enfant est surtout heureuse auprès d'un homme instituteur dont j'ai eu peur...dans une des plus belles scène, on la voit sur les genoux du Monsieur, à lire son poème à la classe qui le reprend en coeur. Mais il n'est pas un abuseur: il se révèle un catalyseur. Un motivateur. Un vrai passeur. Vive SC! ^^
    • (à suivre; quand j'aurais trouvé mes autres post-it; et lors de mes autres visionnages; un jour)

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