Pauvre petit garçon riche
La vision presque affligeante de la lutte des classes par la réalisatrice Nicole Garcia qui continue de décevoir après le faussement romanesque Un balcon sur la mer constitue de toute évidence la pierre d’achoppement de son nouveau film. Une histoire à la fois inutilement alambiquée et totalement prévisible pour laquelle il est bien difficile de se passionner. D’un côté, Baptiste, un instituteur ‘intérimaire’ qui n’occupe que quelques mois ses mission successives, et de l’autre Sandra, une serveuse qui fait les saisons, deux êtres qui envisagent mal la sédentarité, même si on comprend que leurs motivations puissent diverger, dont les chemins vont se croiser grâce à un scénario terriblement volontariste.
Pierre Rochefort, fils de la cinéaste, est certes joli garçon, mais possède autant de charisme qu’un hareng saur, ne parvenant pas ainsi à restituer la complexité et l’ambivalence d’un personnage rejeté et solitaire. Quant à Louise Bourgoin, elle se donne bien du mal pour paraître revêche et dure. Bien sûr, on retrouve les thématiques chères à l’auteur du Fils préféré : les névroses familiales avec en particulier le rapport aux fils justement, l’élément maritime et la localisation géographique. Ce qui procure au film cette lumière solaire des bords de mer ; seule qualité qu’on voudra bien lui reconnaitre car l’ensemble manque cruellement de souffle, de romanesque et d’épique pour retenir vraiment l’attention. Une impression générale de lisse, de convenu, qui frise parfois une certaine stupidité dans une description archétypale, sans finesse. On hésite au final pour déterminer lequel des deux milieux (le prolétaire ou le haut bourgeois) est dépeint avec le plus de lieux communs.
Ce serait donc comme l’histoire d’un écartèlement : entre une famille honnie, à juste titre, et la réelle impossibilité de faire table rase et de s’émanciper d’un passé traumatisant. Toutefois, on ne sent pas complètement à l’aise face à ce personnage écorché pour lequel on peine à éprouver un véritable attachement. Le diable se nichant toujours dans les détails, le geste de Baptiste d’acheter une veste avant de regagner la maison de famille apparait futile et tout à fait révélateur, comme s’il portait en lui une incapacité atavique de ne pas revêtir les oripeaux de sa classe avant de la rejoindre. Ambiguïté d’un geste qu’on eût aimé essaimer la totalité d’un film qui ambitionne de jouer sur la rencontre de deux univers. L’absolutisme du garçon, pour honorable qu’il soit, n’en est pas moins teinté d’une extraordinaire naïveté, doublée d’un orgueil enfantin et, pour le coup, inoffensif. Peut-être le plus intéressant n’est ce qui n’est pas tranché : parierait-on sur la pérennité d’une relation qui semble se construire sur le ressentiment et la vengeance ?
C’est par conséquent dans ses creux que le film s’avère plus captivant en déployant un mystère dont il est superficiellement dépourvu. Les premiers plans, caméra à l’épaule, laissent augurer d’une suite vive et énergique, placée dans l’urgence et une sorte de déraison. Hélas, on retombe vite dans quelque chose d’affadi et de plat, inapte à emporter le spectateur et son adhésion.