Un bourgeois tout petit, petit par Alligator
Deux films en un. La première heure constitue une sorte d'étude de moeurs qui se focalise sur un personnage central, ce fameux petit bourgeois, un Sordi vieillissant, morne et servile fonctionnaire dont l'axe de vie unique est son fils, première merveille du monde. Sa femme, au foyer, une ronde et tout aussi morne Shelley Winters est une esclave consentante, pieuse, la mamma incarnée. Pendant cette heure on suit les efforts obsessionnels du père pour que son supérieur, le génial Romolo Valli, trouve un emploi à son fils. Zèle et servilité allant jusqu'à l'admission drôlatique parmi les francs-maçons sont les outils de la corruption que Sordi use pour connaître les sujets de l'épreuve d'admission.
On est là dans la comédie italienne, à l'humour féroce, cinglant. Ici aussi,les personnages mûs par un profond amour (filial en l'occurrence) se démènent dans leurs petitesses quotidiennes, prisonniers, sans révolte. Surtout acceptant leur état, faisant "avec"... un petit bourgeois. Voilà pour le premier "piccolo" du titre.
Cette comédie touche par instants au burlesque : le portrait du travail de bureau avec ces collègues qu'on ne voit jamais, cachés par les liasses de dossiers est hilarant ; Valli qui passe son temps à recueillir ses pellicules, etc.
Le second "piccolo" pour la dernière heure bouleverse le film. La comédie fait place à la tragédie. On bascule dans un autre monde. Vengeance, horreur, deuil. Fait divers. Crime. Difficile d'en parler sans trop déflorer.
Parlons plutôt de la performance hallucinante de Sordi qui m'a totalement ébloui. J'avoue que je ne connaissais pas énormément cet acteur. Je l'avais vu dans trois ou quatre films tout au plus.
Ici il prend le film sur ses épaules et l'amène avec une facilité étonnante là où l'histoire et la mise en scène doivent le mener. Impressionnant. J'ai le sentiment de le découvrir, là, maintenant.
De même le travail de contraste entre les deux parties construit par Monicelli montre une superbe maitrise du récit. Le film m'a rappelé le même renversement narratif que dans "La grande guerre". Quand le drame s'abat avec fracas et casse l'existence d'un individu, révélant des failles et des êtres insoupçonnés.