Le millionnaire Lionel Twain (Truman Capote) invite dans son manoir cinq des détectives les plus brillants du monde (Peter Falk, James Coco, David Niven, Peter Sellers et Elsa Lanchester). Il leur annonce que l’un d’entre eux sera tué à minuit. Celui qui devinera le criminel gagnera un million de dollars…
La parodie intelligente existe-t-elle ? Si elle existe, en tous cas, le film de Robert Moore s’en rapproche grandement. Ici, la parodie atteint largement sa cible, notamment grâce à une scène finale lors de laquelle on nous sert des retournements artificiels à outrance, enlevant au scénario le peu de sens qui lui restait, mais dénonçant de manière redoutablement efficace les tendances contemporaines du roman policier, qui cherche à surprendre son lecteur coûte que coûte, au risque de basculer dans le ridicule. La satire est renforcée par le fait que c’est le romancier Truman Capote lui-même qui incarne le personnage qui dénonce les travers des récits de chaque détective, puisque chaque personnage renvoie à un détective connu de la littérature policière (Sam Spade, Hercule Poirot, Miss Marple...).
Du point de vue du casting, en-dehors de James Cromwell, assez lourd (sa voix est insupportable en VO), les acteurs sont tous absolument parfaits, notamment Alec Guinness, absolument savoureux en majordome aveugle, ou le génial Peter Sellers, méconnaissable et hilarant en détective chinois. On ne peut citer tout le monde, mais chaque acteur est parfaitement à sa place dans son rôle (NB: la VF vaut à mon goût autant la peine que la VO, avec les voix habituelles de Bernard Dhéran, Philippe Dumat, Serge Sauvion ou Roger Carel, excellents doubleurs français), et la plupart sont craquants, d’autant que les dialogues sont souvent délectables, même s’ils basculent dans une trivialité moins bien venue dans la deuxième partie du film.
D’ailleurs, l’ensemble du film bascule dans un grand n’importe quoi durant les trois derniers quarts d’heure du film, enchaînant les péripéties rocambolesques (cadavres en plastique, maison dans laquelle chaque pièce existerait en double, etc…) de manière assez réjouissante. Car, en effet, à l’inverse d’un Casino Royale (celui de 1967), film sans queue ni tête, qui se reposait uniquement sur son casting, certes assez exceptionnel, Un cadavre au dessert tient la route, grâce à un récit suivi, où, malgré l’aspect parodique du film, on veille à ce que le spectateur conserve ses points de repères. En cela, il anticipe déjà le remarquable Elémentaire, mon cher… Lock Holmes !, autre parodie intelligente, qui opère une distorsion des codes tout en gardant la substance du film et la narration traditionnelle (ce qui était justement le défaut de Casino Royale). Les parodies actuelles, dont beaucoup ont malheureusement renoncé à toute originalité, devraient en prendre de la graine…