nov 2010:

Quand j'estois jeune pré-ado et que je découvris la série des Caroline Chérie, les petites audaces effeuillées de la blondinette Martine Carol ne me laissèrent pas du tout insensible. Le parcours simili-sadien de Caroline dans les méandres d'une révolution française puis italienne avait de quoi titiller l'imagination fertile et avide du jeune et impétueux obsédé que je commençais à devenir. Oh, point de mal, la nature est ainsi faite. Les premières coulées de sève sont hardies aussi bien qu'enfiévrées. A l'approche de la quarantaine, la vision de ce deuxième opus (pas le moyen de mettre la main sur la premier), un vieil enregistrement télé d'assez bonne facture en dehors des nuits américaines quasi illisibles, est beaucoup moins torride, plus nuancée, provoquant moins de bavements à la commissure des lèvres, loin de là, le temps et l'expérience ayant apaisé l'enthousiasme et l'engorgement des corps caverneux qui va avec, mais néanmoins, elle a activé la réanimation de bons vieux souvenirs et par là même s'inscrit plutôt dans un registre à la fois amusé et nostalgique.

Le regard étant plus affuté oblige à des jugements plus sévères cependant sur certains éléments, notamment la mise en scène de Jean-Devaivre qui par moments est nettement complaisante, mais par de si petites touches que cela en devient très artificiel et risible. Dès lors, les vignettes rose tendre, d'un érotisme léger apparaissent ravissantes, un peu rigolotes, de ce foutu charme désuet qui me laisse rarement indifférent, celui d'un cinéma très ancien, un peu carton-pâteux, où un petit téton furtif mettait en émoi une salle entière d'hommes aux yeux mouillés, entre autres.
La présentation de Martine Carol, sa première apparition dans le film est à ce titre très "parlante" : on la filme avec une camarade de jeu dans une position balconesque. Le décolleté pigeonne et le "la" est donné pour tout le reste du film où elle aura toutes les peines du monde (lequel lui est infiniment reconnaissant) à contenir ses mamelles aux ambitions émancipatrices (vive le bustier serré!) si bien que le principal attrait du film va résider dans le petit jeu qui s'organise autour de la plastique de Mme Carol, à savoir, apercevoir ses petites tâches brunes qui enflamment aussi bien l'imagination que les caleçons du spectateur avide de sensations interdites (on est seulement en 1953).

De temps en temps, au plus fort de l'action, le voyage mouvementé de Caroline prend des allures sadiennes, disais-je plus haut, en effet, lorsque les italiens se révoltent contre l'occupation française, Caroline tente de fuir l'insurrection pour retrouver Livio (Jean-Claude Pascal), un danseur italien, par les rues festives où tout le monde passe la nuit à picoler et baiser à qui mieux mieux. Les images de beuverie m'ont fait penser tout de suite à cette espèce de débauche qu'on a pu voir chez Abel Gance (Lucrèce Borgia). Je me demande sérieusement s'il n'y a pas un lien plus ou moins direct entre Jean-Devaivre et Abel Gance, au moins un petit hommage? En tout cas, il y a une sorte d'imagerie populaire et exagérée d'une sexualité débridée que l'on retrouve dans les deux films. Cela permet surtout de mettre Martine Carol dans la position d'une vertueuse Justine pourchassée par les assiduités de la plèbe italienne et d'émoustiller encore et toujours le spectateur de cette aventure dégradante, mais pas trop, parce que cette débauche tient plus du mythe ou du fantasme qu'autre chose. D'ailleurs, tout le film, toute la série, tout le personnage et ses périples tiennent plus d'un délire, entre rêve et cauchemar, parcours épique et rocambolesque d'une femme plutôt sexy, une fausse Marilyn Monroe qui serait l'objet de tous les désirs sexuels. On a même droit ici à un travestissement de Caroline en homme et d'une soubrette énamourée de conséquence (Christine Carère). Ce que les américains n'ont pu faire, les pervers français l'ont fait : salir, violenter, dénuder, caresser une belle blonde un peu nunuche. La française Martine Carol joue une femme un peu moins gourde cependant, du moins essaie-t-elle de se servir de sa cervelle de temps en temps. Ses turpitudes sont surtout celles que les hommes lui font subir.

Je voudrais cependant revenir sur un aspect frappant du film, cette révolution italienne montre une armée française d'occupation, oppressante, des militaires arrogants et les excès auxquels se livrent les italiens à l'heure de fêter leur libération ressemblent à s'y méprendre à ceux que connurent les français à la fin de la deuxième guerre mondiale : liesse, bals impromptus, beuverie collective, mais également humiliation des femmes collabos. Le fait que Jean Anouilh (à l'adaptation comme aux dialogues) n'omette pas cette comparaison est une prise de risque à saluer. Je trouve cela honnête, juste et courageux. A ma connaissance, c'est l'un des rares films à aborder ce thème franco-corrosif. Certes, on ne parlera pas d'auto-flagellation car les pastilles sur ce sujet sont très courtes dans le film mais elles ont le mérite d'exister et d'être très claires dans leur propos.

Voilà, c'est à peu près tout ce que je retiens de ce petit film. Cette période historique, ces évènements peu glorieux pour la France ont été peu traités au cinéma, encore moins par la production française. Il y a pourtant de quoi dire. Cela en fait donc une petite curiosité.

Dommage que le film manque à ce point de dynamisme dans la mise en scène, très ordinaire. Le rythme est assez lent. Les dialogues de Jean Anouilh couvrent beaucoup d'espace (ça veut dire qu'on parle énormément). Peut-être qu'un montage un peu plus nerveux aurait pu aérer le tout? J'ai un souvenir peut-être un peu plus agité du premier volet mais n'est moins sûr. Je serais donc heureux de le revoir.
Alligator
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le 15 avr. 2013

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Alligator

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