Occultons tous ces hommes nus pendant un instant.
Je ne connais pas assez Genet pour pouvoir extrapoler sur sa personne, du coup cette critique se basera uniquement sur mon ressenti.
Déjà la version que j'ai vu n'était pas en muet, c'est en m'informant ici et là que j'ai découvert qu'à l'origine il n'y avait aucune bande sonore. Je passerais alors outre cette mélodie tribale qui était particulièrement bien choisi puisqu'elle ne fait pas partie intégrante d'Un Chant d'Amour.
Soyons clairs dès le début : c'est un court-métrage incroyable. L'histoire est pourtant simple, des hommes incarcérés qui essaient de passer le temps et un gardien qui s'occupe en les espionnant. Néanmoins, Un Chant d'Amour va bien au-delà, la relation corps/espace est d'une justesse fascinante. À mes yeux, Genet outrepasse l'approche cinématographique et frôle la limite de l'art contemporain. Durant 25 minutes je n'ai cessé de me répéter que voir ce court-métrage au sein d'un musée ne m'aurait pas perturbé le moins du monde.
Les hommes sont enfermés dans des cellules de plus ou moins 9m², apparemment il n'y a rien à faire hormis "fumer" (la connotation sexuelle dans cette scène étant extrêmement explicite) par procuration grâce à son voisin de cellule et se masturber. Et pourtant, même avec ces limites, Genet arrive à trouver une sorte de symbiose entre le corps et son espace. Les gestes se suffisent à eux-même (pour du muet, vaut mieux), l'exagération n'a pas lieu d'être.
Alors oui, il y a cet amour mi-figue mi-raisin entre deux hommes, oui le gardien est frustré, oui on oscille entre songe et réalité. Mais c'est plus fort que ça, tout dans ce court-métrage est palpable, la tension sexuelle, le manque de tendresse, le besoin d'affection, la frustration, l'isolement, l'ennui, la colère, la joie.
Au final, on oublie très vite le sens premier des images et de ce fait, on ne perçoit pas toutes ces scènes de masturbation comme quelque chose d'obscène. Le réalisateur nous emmène beaucoup plus loin, et ce dès les premières minutes.