Beko
Beko

Film de Nizamettin Aric (1992)

J’ai regardé ce film le 22 décembre 2022. Le lendemain, une attaque meurtrière visait la communauté kurde parisienne y faisant trois morts comme déjà dix ans auparavant. Ce film réalisé en 1992 fait douloureusement écho à ces odieux assassinats parisiens, et décrit la tragique réalité de la condition des communautés kurdes inlassablement pourchassées par la répression.

Le Kurdistan est un rêve; le pays, en tant que nation indépendante, n'existe pas, réparti depuis la fin de la première guerre mondiale entre quatre Etats, la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran qui pourchassent ses habitants au gré des conflits qui ravagent régulièrement la zone.

Réalisé à partir de son propre vécu par Nizamettîn Ariç, chanteur kurde de Turquie exilé en Allemagne, Beko se déroule en 1988, année de fin de la guerre entre l’Irak et l’Iran. Les populations kurdes sont prises en étau, sous un feu croisé qui semble ne jamais s'arrêter ; pourchassées par l'aviation irakienne, traquées par les forces turques, affamées et réprimées en Iran. Dans le chemin d’errance qu’il relate, le film montre clairement à quel point cette patrie est déchirée.

Dans un modeste village perdu au milieu d’un âpre panorama montagneux, le Kurde Cemal déserte pour ne pas être enrôlé dans l'armée turque. En représailles, son frère Beko (joué par Nizamettin Ariç lui-même) est pris en otage par une unité militaire spéciale. Il parvient à s'échapper, mais ne peut pas retourner au village. Il part donc à la recherche de son frère, traverse l'Euphrate et quitte ainsi la partie turque du Kurdistan. Beko trouve un refuge temporaire dans un camp de montagne tenu par des nomades réfugiés kurdes dans les hautes terres irakiennes. En attendant des nouvelles de son frère, il commence à s'occuper des enfants réfugiés et prend sous sa protection une jeune orpheline rescapée du conflit Irak-Iran.

Sans le moindre manichéisme ni dogmatisme, le film décrit une réalité tragique, montrant les ravages d’opérations meurtrières, les détresses de populations pourchassées, mais aussi les solidarités et les espoirs.

Le film, premier tourné en langue kurde, a été réalisé dans l'illégalité, à la frontière entre l'Arménie et la Turquie. Il est toujours interdit dans ce pays. Nizamettîn Ariç n’a pas tourné d’autres films depuis lors et a repris sa carrière de compositeur interprète.


kinophil
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Cinéma d'ailleurs KURDISTAN et Road Movie par pays

Créée

le 29 déc. 2022

Modifiée

le 29 déc. 2022

Critique lue 26 fois

4 j'aime

kinophil

Écrit par

Critique lue 26 fois

4

Du même critique

The Outrun
kinophil
8

Critique de The Outrun par kinophil

Cinq ans après avoir reçu l’Ours d’argent à la Berlinale pour Benni, où elle traçait le portrait d’une fillette colérique, négligée et violente, ballottée d’un foyer d’accueil à l’autre, la...

le 6 oct. 2024

12 j'aime

Et la fête continue !
kinophil
5

Qui trop embrasse mal étreint

Le dernier film marseillais de Guédiguian, « Gloria Mundi », dressait en 2019 un constat amer, désespéré et totalement déprimant sur la société libérale, gagnée par le repli sur soi. Le cinéaste y...

le 18 nov. 2023

10 j'aime

3

Sweet Thing
kinophil
8

Petits fugitifs dans la Nuit du Chasseur

Film indépendant dans son expression la plus authentique et ce que le genre offre de meilleur : quelques milliers de dollars, beaucoup d'énergie et d’amour du cinéma, tourné avec une petite équipe,...

le 14 juil. 2021

10 j'aime