La vie de château de Tedeschi
1h45 pour survoler ce que sont l'amour et la mort, la rancœur, le besoin, le manque, les regrets, la nostalgie; les passions. Un film d’errance bourgeoise axé sur un casting splendide où les lieux, le château en Italie entre autres, ne sont que prétextes aux émois. Un film qui porte, comme ses personnages, se laissant eux-mêmes mouvoir par une vie hasardeuse (les pauvres petits). Volubiles, naïfs, souvent détestables. Louis Garrel, toujours corrosif et plein de charme, Xavier Beauvois superbe en personnage imbuvable et dont on vient à redouter les apparitions. Appréhension qui atteint son paroxysme lors de l’enterrement final.
Tedeschi, réalisatrice et actrice principale, n'incarne pas un personnage de pathos classique car elle reste toujours à la frontière entre l'autoportrait et la fiction. La dimension autobiographique reste très prégnante et permet l'autodérision envers les petits problèmes de riches abordés. Nénmoins, Tedeschi construit des protagonistes aux facettes complexes et indéchiffrables, qui, lorsqu'on s'interroge sur l'étrange relation entre le frère et la sœur, la mère et le fils; ne nous dévoilent rien. Pure symbole d'une femme naviguant entre deux pays, deux dimensions intimes (son couple et sa famille), perdue dans un rapport brumeux aux autres, à la religion et à elle-même, Tedeschi apparaît telle une sainte dans l'attente de l'élément salvateur qui viendrait du ciel, mais qui se trouve, en réalité, sur le trottoir d'en face.
Plein de symboles donc, qui permettent à Tedeschi, d'exprimer sa volonté d'incarner le renouveau. L'écharpe en tant que trace du passé, les cigarettes comme début (le numéro de téléphone sur le paquet de Marlboro) et comme fin (le dernier plan sur Louis Garrel s'élançant, un paquet de Philip Morris cette fois, s'échappant de sa poche). En ce sens, dans la dernière scène, on souhaiterait voir le marronnier s'abattre au plus vite, mais Tedeschi choisit de prolonger la scène, d'exacerber le symbole, métaphorisant un deuil long et laborieux. Le renouveau, nous dit-elle, s'opère lentement.
Autre aspect : cocasserie et gravité que parvient à combiner Tedeschi. Magnifiquement comiques que les scènes de la rencontre dans le bois, du fauteuil miraculeux ou de l'insémination. Mais également délicieuses celles du ventilateur ou du marronnier. Un château en Italie n'est pas l'histoire d'amour d'un couple mais celle d'un amour, celui d'une famille qui s'unit et se désunit au fil des plans. Plans qui, sur l’aspect de la réalisation, n'outrepassent pas la norme mais laissent toute leur place aux personnages et au lieu du château. Ici, la magie réside dans l'ivresse du récit et non dans celui de l’esthétique.
Enfin, Tedeschi nous montre une Italie mythique bercée par des airs de "soupe à la tomate" de petits bourgeois. Au-delà de sa cinégénie, l'Italie transparaît également par l'omniprésence de la religion, qui malgré tout ne s'impose jamais dans la narration au point de l'alourdir, tant le personnage de Tedeschi remet cette foi en question, l’ironise, la transcende.
La réalisatrice signe ici une œuvre brillante, légère et profonde, explorant les passions et sentiments mystérieux, et se défaisant de tout lyrisme. Intriguant et gracieux, ce château là est magnifique.