L'éditeur Artus complète sa collection Polar à l'italienne avec la sortie d'Un Citoyen se rebelle, sorti en 1974 en même temps qu'Un Justicier dans la ville. En plein contexte des Années de plomb, le duo Enzo Castellari-Franco Nero nous livrait ici un modèle de western urbain et un film d'action exemplaire, véritable fleuron du genre poliziottesco.
Juste après la sortie, et le succès, du Témoin à abattre en 1973, Enzo Castellari enchaîne un autre poliziottesco Un Citoyen se rebelle produit par l'influent Mario Cecchi-Gori. Tourné de nouveau dans la ville de Gênes, la production du film se déroule dans le contexte tendu des Années de plomb en Italie, avec une hausse de la criminalité ainsi qu'une instabilité politique marquée par des kidnappings, attentats et assassinats de personnalités. Prenant l'ambiance délétère du pays comme thème du film, celui-ci en subit aussi les conséquences... En effet selon les dires de Castellari, dans son autobiographie Inglorious bâtard, l'enlèvement du juge Sossi par les Brigades Rouges a ainsi lieu durant le tournage dans cette même ville de Gênes. Habituée à réaliser les courses poursuites dans le trafic urbain sans autorisation, l'équipe du film, sous l'égide de Rémy Julienne, évita alors de peu le drame lorsque des policiers, particulièrement sur les dents à cette période, prirent en chasse la voiture où l'acteur Romano Puppo arborait une sulfateuse en plein centre-ville !
Sorte de radiographie outrancière de cette époque violente où les faits divers font les unes des journaux (le thème de l'article de presse est omniprésent dans le film et dans les différentes affiches), Un Citoyen se rebelle démarre d'ailleurs sur un générique exemplaire où comme dans un clip des images de cambriolages, assassinats, kidnappings inondent l'écran sur la musique fiévreuse des frères De Angelis. Une violence exacerbée que goûte bien malgré lui le personnage joué par Franco Nero lors d'un hold-up brutal d'où il sortira roué de coups, humilié et bien décidé à se venger...
UN MAÎTRE DU GENRE
A l'instar d'Un Justicier dans la ville, le film s'inscrit dans le registre du film de self-defense. D'ailleurs William Lustig avouera avoir été influencé par l'œuvre de Castellari pour son Vigilante de 1983. Avec ce thème du vengeur solitaire et le portrait réactionnaire de l'Italie d'alors, Un Citoyen se rebelle essuya de nombreuses attaques de la presse, certains qualifiant le cinéaste de fasciste... Loin des considérations politiques, le message de Castellari s'avère évidemment ambigu mais comme dans Big Racket (1976), la vengeance n'est pas une solution et devient un enfer dans lequel s'enfonce le personnage principal sans en sortir indemne...
Ce second polar du réalisateur de Keoma est avant tout un excellent film d'action, aux scènes millimétrées telles cette course-poursuite initiale et que dire de ce gunfight final qui convoque les codes du western et préfigure le final dantesque de Big Racket, tourné également dans un hangar. Avec ses cinq polars (si on ajoute les méconnus Action immédiate et Cobra), le cinéaste s'établit clairement comme l'un des maîtres du genre avec ses productions spectaculaires. La patte Castellari est bien présente avec usage de ralentis à la Peckinpah, cadrages excentriques, parfaite utilisation de la B.O. et... bien sûr la présence de l'icône Franco Nero ! Dans un rôle à contre-emploi, loin du taciturne Django, Nero s'investit totalement dans ce rôle de citoyen lambda pétant littéralement un plomb et livre une prestation de haute volée, avec à ses côtés la bonne surprise Giancarlo Prete, déjà aperçu et très bon dans Confessions d'un commissaire de police... de Damiano Damiani. Son personnage de petite frappe donne une autre dimension au film, plus légère et décontractée tout en modérant le propos peu nuancé du réalisateur sur la criminalité. On retiendra aussi la présence de Barbara Bach et le joli trio d'antagonistes composé des cascadeurs Massimo Vanni, Nazzareno Zamperla et Romano Puppo dont on ne pourra d'ailleurs que regretter le manque de présence à l'écran.
Le film n'avait pas encore eu les honneurs d'une sortie DVD en France, adressons donc un coup de chapeau aux éditions Artus pour la sortie de ce classique du poliziottesco qui nous permet d'apprécier l'indéniable talent d'Enzo Castellari, rarement autant à l‘aise que dans ces polars sombres et amers.
Retrouvez l'évaluation de la partie technique du Blu-ray sorti chez Artus par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=7139