"Soupçons" autour d'un couac amoureux

Voir ce film ? Occasion sur laquelle il faut Sautet ! Fi de l'orthographe, pour bien saluer ce subtil analyste de l'âme humaine.
Trois ans après "Quelques jours avec moi", il offrait à Daniel Auteuil - son nouveau Piccoli - un autre rôle ambigu grandissant l'acteur.
Même chose pour Emmanuelle Béart : elle a la beauté pure et le talent pour inspirer le cinéaste sans faire oublier Romy Schneider. Quand même !
L'épatant André Dussolier ferme un beau trio avec désordre amoureux.
Ce film cerne, une fois de plus, des êtres ne parvenant pas à accorder leurs sentiments. Or, géniale métaphore, ils sont tous trois épris de musique ! Maxime (Dussolier) achète/revend des violons hauts de gamme. Stéphane (Auteuil) crée/répare en maître luthier. Le film y trouve un plus documentaire sur ce métier d'art admirable. Enfin, Camille, jeune et belle violoniste en pleine ascension, maîtresse secrète du premier, devient la cliente du second, de plus en plus séduite malgré sa froideur courtoise. Quand elle s'offre à lui, il la repousse ! Fallait oser, côté scénario ! Trio à jamais déséquilibré...
Ce couac amoureux entre luthier et violoniste est filmé par Sautet avec une virtuosité magistrale. Juste du champs-contre champs suffit pour captiver avec ses personnages piégés par eux-mêmes. Surtout Stéphane, au comportement inexpliqué jusqu'au bout... "Soupçons" : Oedipe mal vécu ? Chagrin insurmontable ? Homosexualité larvée ? Peur d'une partenaire trop proche de l'idéal ?
Et soupçons sur Sautet lui-même, qui semble, là, être devenu très pessimiste. C'était, certes, déjà très compliqué entre César, Rosalie et David. Mais eux gardaient un goût de vivre qui a disparu du regard de leurs héritiers à l'écran. Les habituelles ambiances de bar et des seconds rôles chaleureux sont là pour compenser.
Emmanuelle Béart, en jeune femme prenant tous les risques de l'Amour, fait d'"Un coeur en hiver" une oeuvre palpitante !