Après Emma, l'autre désespérance...
Marion Laine réalise ici un premier film sacrément ambitieux et effrontément culotté. Elle aurait pu s’atteler à une adaptation linéaire du conte de Flaubert, suffisamment imagé pour donner matière à un bon scénario. Elle va nettement plus loin. Elle s’approprie l’œuvre, n’en garde que son essence et y ajoute des éléments d’inspiration flaubertienne ou personnels. Sa mise en scène, respecte l’austérité voulue par le dramaturge ainsi que le séquençage de petites scènes anodines du quotidien prétexte à l’étroitesse des vies des deux héroïnes.
On entre alors dans le film comme on entre dans une toile. Balayage de l’ensemble, puis inspection des détails et au final, révélation d’une harmonie globale où tout se tient et délivre le sens de l’œuvre. C’est un film extrêmement visuel, d’inspiration impressionniste, à la mécanique très huilée.
Le seul reproche que l’on pourrait en faire, est le manque de repères dans le temps pour le spectateur candide n’ayant pas lu le conte. Mais ce n’est qu’un détail au regard d’une œuvre puissante et profondément mélancolique dont la trame est sublimée par Sandrine Bonnaire (l’un de ses meilleurs rôles) et Marina Foïs qui, après « Darling », confirme qu’elle est déjà une actrice immanquable. Elles sont toutes deux ombres et lumières, joies et peines confondues dans des prestations inoubliables.
Là où l’on pouvait s’attendre à l’académisme, Marion Laine donne dans le cinglant et la frénésie de la désespérance. Un film empreint de réalisme cruel et formidablement attachant.