1989, la chute du mur de Berlin. Une année historique, je n'ai pas le droit de dire du mal de ce film allemand. Est-ce qu'il y avait du budget ? Jamais un film ne m'a autant fait me poser la question. Toutes les trois minutes j'étais là : "tiens on dirait qu'il y a un peu de budget quand même", puis trois minutes plus tard : "mais non en fait le budget c'est trente Deutsch Marks." Puis trois minutes plus tard : "oh il y a un hélicoptère, c'est cool, on est bien dans les années 80."
C'est long, c'est lent, c'est laid, ça a un vieux goût de Zardoz mal digéré. Zardoz sans humour. Et le charisme des acteurs... mon Dieu il faut prononcer "sharisme" dans un tel cas de figure. C'est moi ou le roi ressemble à Russell Brand ? C'est douloureux. La mise en scène est plate et sans saveur. Mais que Diable est venu faire Werner Herzog, qui joue un petit rôle, dans cette galère ? Impossible de savoir. C'est dommage parce que le roman original des frères Strougatski est fascinant. C'est de la science-fiction anthropologique si l'on veut, avec le problème de l'observateur qui ne doit pas être participant mais qui participe quand même. J'aime bien cette idée d'un scientifique qui vient étudier en immersion une civilisation qui en est encore à son stade de développement médiéval mais franchement le côté le plus intéressant de l'œuvre (le côté Fahrenheit 451 si je puis dire, un monde où les scientifiques, les artistes, les philosophes sont persécutés) n'est pas bien rendu.
Les scènes réussis sont, à mes yeux, celles où l'on voit les scientifiques qui observent sur leur écran les péripéties de la population d'Arkanar. Il y a même ce moment où il y a cette espèce de dirigeant qui observe sur son moniteur les scientifiques qui observent les autochtones d'Arkanar. Ô la belle mise en abyme ! Je m'étais juré de ne plus jamais apprécier une mise en abyme mais j'ai échoué. Il fallait que je trouve quelque chose à sauver. C'est peut-être le seul mérite du film, avoir mis l'accent sur l'aspect dispositif scientifique de l'œuvre. Après il ne souffre en aucune mesure la comparaison avec le chef d'œuvre délirant et gargantuesque d'Alexei Guerman, le seul, le vrai Trudno Byt Bogom. Il faut rendre au Czar ce qui appartient au Czar !
Un Dieu rebelle est un film vraiment raté dans le sens où il ne l'est pas complètement. Un vrai nanar atteint une forme de cohérence, de perfection, voire d'héroïsme dans la nullité, c'est ce qui peut le rendre divertissant et même paradoxalement réussi. Ici, il y a de temps en temps, rarement, un acteur qui joue correctement pour dix autres qui jouent comme des pieds, il y a un plan réussi pour cent autres qui sont dégueulasses, il y a un effet spécial correct pour mille qui sont ridicules. Bref, il n'y a pas grand chose qui va dans cette production germano-ukraino-russo-française. Je le recommande seulement aux fans hardcore de science-fiction, ceux qui veulent avoir tout vu et dont la patience légendaire leur permettra de supporter une heure et cinquante six minutes de pellicule tortueuse et moyen-âgeuse.