L'espionnage est, avec la prostitution et la divination, un des plus vieux métiers du monde. Jésus de Nazareth aurait lui-même été informé de l'accord secret passé par le Grand Sanhédrin avec Ponce Pilate pour le faire condamner pour sédition et tout porte à croire que Judas Iscariote n'a pas seulement été un traître à son camp, mais même un agent double retourné.

La guerre froide est cette période d'observation, de surveillance, de méfiance, d'espionnite généralisée, de rivalités et de menaces à peine voilées entre les Etats regroupés par le Pacte de Varsovie et ceux par l'Alliance atlantique, entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (l'URSS). Débutée dès les lendemains de la seconde guerre mondiale, cette guerre particulière ne s'éteindra qu'avec l'effondrement de l'URSS pour renaître sous la forme de la guerre froide larvée que nous connaissons aujourd'hui.

En 1960, la crise des missiles soviétiques installés à Cuba à 200 km des côtes de la Floride fut un des moments les plus dangereux de cette tension internationale permanente et elle a failli dégénérer en conflit ouvert entre les deux camps. Un espion ordinaire de Dominic Cooke s'inscrit dans cette crise dont il relate un épisode relativement peu connu du grand public.

Oleg Penkovsky/ Merab Ninidze est un colonel du GRU (Service de renseignement de l'Armée rouge) qui considère que Nikita  Khrouchtchev mène un jeu dangereux qui pourrait, de menaces en menaces, de surenchère en surenchère conduire le monde à une guerre nucléaire. Le point culminant de ce jeu mortel est l'installation des missiles à Cuba ; il décide alors de fournir aux américains des informations sur l'état réel des forces soviétiques et le peu de crédibilité de leur supériorité militaire.

Greville Wynne/Benedict Cumberbatch est un ingénieur commercial britannique qui effectue de fréquents déplacements dans les pays du bloc soviétique. La CIA alliée au MI5 britannique décide de le recruter et d'en faire leur agent de liaison avec Oleg Penkovsky pour la récupération des documents qu'il veut faire parvenir à l'Ouest. Il est cet homme ordinaire qui acceptera de devenir Un espion ordinaire.

John Fitzerald Kennedy ne cèdera pas devant les menaces des soviétiques en parfaite connaissance de cause des forces réelles du camp ennemi et la crise des missiles s'en trouvera non seulement désamorcée mais une ère nouvelle pourra s'ouvrir, dont le fameux « téléphone rouge », qui n'avait de rouge que le nom doublement évocateur, sera le symbole. Pour éviter toute surenchère et tout risque de déflagration, il est convenu que chaque fois que nécessaire langue sera prise pour rechercher l'apaisement.

Oleg Penkovsky et Greville Wynne seront tous deux démasqués, arrêtés et emprisonnés pendant des années. Oleg Penkovsky sera jugé, condamné à mort pour trahison et exécuté. Greville Wynne sera libéré après sa détention à l'occasion d'un échange avec un espion russe au Royaume-Uni et l'espion ordinaire redeviendra un homme ordinaire.

Un espion ordinaire a toutes les qualités d'un film d'action sans faire du spectacle. Il relate des faits authentifiés autant qu'il se peut dans les histoires de l'espionnage. Il met en scène des hommes ordinaires dans leur simplicité comme dans la complexité de leurs motivations. Tom O'Connor, auteur du scénario, et le réalisateur Dominique Cooke nous offrent une scène significative à cet égard.

Pendant leur détention Penkovsky et Wynne sont à l'isolement et non seulement n'ont aucun contact avec leurs proches mais ils sont également coupés de toute source d'information sur le monde extérieur. A l'approche de sa libération les conditions de détention de Wynne sont adoucies et il peut recevoir la visite de son épouse qui lui révèle que la crise des missiles a pu être désamorcée à temps. Quelques temps après, les geôliers de Penkovsky organisent une dernière confrontation entre « le traître » et son agent traitant. Wynne a le temps de lui dire ce que celui qui était devenu son ami ignorait et le taraudait sans doute. Il mourra en sachant que les souffrances endurées et le sacrifice consenti ne l'ont pas été en vain.

L'ère du « téléphone rouge » a déjà commencé. En 1962 Greville Wynne est libéré et en 1963 Oleg Penkowsky est exécuté. En 1964, Sydney Lumet illustrera cette ère nouvelle par son magnifique film Point Limite avec Henry Fonda dans le rôle d'un président des Etats Unis confronté justement à une situation limite.

Freddy-Klein
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le 16 janv. 2024

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